Les portes de l'enfer
Escales dans l'enfer de la Géhenne:
Que ne tuai-je ce souvenir!
La terre promise.............................. L'au-delà d'ici
Ding ding dong........................................................................La nuit
La porte ouverte.........................................Passé
Que ne tuai-je ce souvenir!
Mes fantômes se réveillent
Parmi les songes nocturnes,
Mes fantômes d'autrefois
Sont plus tristes que jamais.
Ils portent mes vies
Loin des bonheurs,
Dans leur blancheur moite,
Sous le sombre nocturne.
Les cadavres de ma chair
Lestés ici par là
Près des huttes salies
Dans les quartiers sombres
Les suaires de mes nuits
Couchés dans les foins mouillés
Parmi les cafards grotesques
Et les baisers salissants
L'amour et le bonheur perfide
La beauté pécheresse
Que ne tuai-je ce souvenir
Dans la parade fantasmagorique
Mes fantômes qui vont repartir
Sous le nuage de mes vies
Dans la poussière soulevée
De mes chutes fréquentes...
Terre promise
terre promise aux hommes déçus
terre de fatigue
croulée aux pieds des ventres de soifs
je suis sur cette terre
le sillon de mon oeil froissé
vous reviendrez sous le toit
un poing sur le ciel d'hier
je vous y attendrai
la corde au cou pendu au nuage gris
la langue dans ma sueur de vivre
j'aurai le coeur sorti des colombages
la dent sur le sein d'une vierge affolée
j'aurai les doigts tordus aux pentures des oreilles
vous reprendrez en sens inverse la déroute
le cul au sac des étoiles maladives
vous chevaucherez ces villes décolorées
un regret dans la main l'autre sur l'oeil de Dieu
les prunes de satin matin dans le sac
les bouches de matin au cauchemar du rêve
adieu dans mon trou
je suis submergé d'amis et de filles
j'en ai dans l'aisselle prise sous ma potence
adieu amis et filles dans mon trou
riez la bouche ouverte sur ma tristesse
adieu tristesse décolorée
vers le rendez-vous des becs d'omoplates.
je ne parlerai plus au mur des amis
ni conterai fleurette de fille décousue
je serai seul dans mon trou
loin des centres d'imperfections
Ding, ding, dong
Sous le nuage gris,
Le passé effacé
Heureux de finir
Sans remémoré;
Foulé dans la cendre,
Dans la boue fangeuse
Des crevés et des fâts;
Un enterrement,
Un dépècement de crânes;
Des crânes
Et des phobies de déments;
Mes encensements,
La soutane rouge
Et les surplis angéliques,
Les cierges éteints
Qui dorent ma culotte courte,
La clochette cuivrée,
Ding, deng, dong,
Le gong du bel enfant
Sage et pieux,
L'enfantement.
Sous le nuage gris,
Le premier amour,
Le baiser discret,
Et la chaleur de la main;
Les matinals enlacements
Lassés et passés;
Les jeux interdits
Aux clairs frissons repus
De l'enfance interdite;
Les courses folles,
La petite peau blanche
Et le passé interdit;
Sous le nuage gris,
Tout ce piétinement
Aux contorsions de mes orteils,
Toutes ces chiquenaudes
Au sein ratatiné des lunes;
Sur mon ventre lisse,
Les sarcophages du temps,
Le nombril évasé Des pestiférés.
La porte ouverte
la porte ouverte
les senteurs de leurs pieds
la décharge en flaques
les doigts souillés
la porte ouverte
les fumées de cendres
les cendres flambants
les doigts dans leurs langes
la porte ouverte
les courants d'air
sur leurs fesses nues
les doigts en-travers
la porte ouverte
les plaintes gisantes
les serrements trop forts
les mollusques glissants
la porte ouverte
la peau fanée
sur des draps fatigués
la dispute tannée
la porte ouverte
l'oeil presque fermé
la main qui lâche
l'impuissance fatiguée
la porte ouverte
la porte qui se ferme
la porte fermée.
L'au-delà d'ici
L'Au Delà d'Ici,
Elle est triste la vie d'ici;
bien triste aussi,
dans l'au-delà;
Elle est triste celle de là-bas.
Les gens d'ici s'en défont;
bien vite ils vont
dans l'au-delà;
Les gens de là-bas aussi sont las.
Elle parle peu, la vie de ceux,
ceux qui rêvent peu,
que d'au-delà;
Elle parle peu celle de là-bas.
Quand partirons-nous d'ici,
l'ici presqu'infini,
pour l'au-delà,
Qui ne finira pas?
Je me lasse d'ici,
l'au-delà d'ici,
et irai de ça,
Dans l'au-delà de là-bas..
Passé
Passé
Passé. Je suis passé par là.
Ce couloir jonché de décombres,
Ce sentier triste, peint d'ombres;
Et les arbres dépouillés.
Je suis passé par là.
Le morne sentier de bois,
Au son des ruisseaux vieillis,
Sous les linceuls de sables froids,
Et de ces chants d'oiseaux, finis.
C'est par ce sentier-là.
Cruel ce tombeau sans sommeil,
Sans éclaircie vers le soleil;
C'est par ce chemin battu,
Cette sente sans issue,
Que l'on m'a vu passer.
Passé. Bien fini le passé.
Sans espoir de re'entrance,
Rien que resouvenance,
Et que remémoré.
Je ne passerai plus par là.
La nuit
La nuit
Marco Polo ou le voyage imaginaire (poésie 1955: les portes de l'enfer) © 2006 Jean-Pierre Lapointe
la presque vie éteinte
dans le silence des étoiles
les dires monotones des tombes
vers des infinis d'ombres
la nuit solitaire
tristesse évanouie
apeurée dans le songe
des bruits distraits
incertains
nuit froide
en frissons d'ombres
tristes jusqu'à l'aube
poésie insondable
plus profonde qu'un vide
dans l'imagination fertile
et nerveuse
affolée
égarée
poésie.
POUR QUITTER LA GÉHENNE ET ENTRER DANS L'ACHÉRON
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