Et Sarah riait de bon coeur. Elle se jouait peut-être de moi, prétextant
la naïveté, exploitant ainsi mes propensions aux envolées lyriques;
elle se libérait ainsi des discours sectaires qui meublaient sans doute
ses trop longues soirées passées avec ses coreligionnaires kibboutznik investis
d'une futile mission biblique.
- "C'est aussi peut-être cela l'univers, l'idée que nous nous en faisons, et que
l'existence serait le résultat de nos imaginations et que la réalité ne serait en
fait qu'un vaste rêve que nous ferions."
Mes propos la faisait sourire, elle argumentait toujours comme pour
me provoquer et me pousser vers des hypothèses toujours plus
enivrantes.
Et je revenais fouiller son corps, avec passion, sans pudeur comme
pour nous prouver de la réalité de la chose, du plaisir, des jeux et de
l'amour encore inassouvi, et cela n'était pas un rêve.
- "As-tu déjà joué avec des fourmis?" lui demandais-je: "Tu les manipules avec
un bâton, elles s'agitent, elles ne savent pas d'où vient le mal, le cataclysme
qui perturbe leurs habitudes; et pourtant je suis là, un être matériel de chair
et d'os, je suis incapable de communiquer avec les fourmis autrement qu'en
perturbant leur quotidien avec un bâton; incapable de me définir à elles, de
transmette ce que je suis et ce que je veux; le fait de manger, de baiser, de
mourir, comme les fourmis mangent, baisent et meurent aussi; elles
interprètent sans doute ma présence comme celle d'un être supérieur, un
Dieu, leur Dieu tout puissant et impalpable. Pourquoi ne serions-nous pas
également manipulés de là-haut par un être de chair et d'os, impalpable,
impuissant à nous communiquer son état d'être et que nous appellerions
Dieu, Yahvé ou autre chose."
- "Ne serais-tu pas toi-même une fourmi belle Sarah? Cette verge qui s'agite
sur ton ventre et que tu ne cesses de repousser n'est pas la verge de Yahvé
mais bien la mienne - impétueuse verge de chair rigide à la conquête de ta
vulve bien tranquille - ne serais-tu pas comme une fourmi belle Sarah? Ouvre-
toi donc belle fourmi, à la parole de ce Dieu de chair, ce linga impétueux
plein du liquide nourricier qui inventa la vie et qui ne te veut que du bien!"
- "Pourquoi n'y aurait-il pas là des extraterrestres, des êtres de chairs et d'os
au d'autres matières, d'antimatières, vivant là tout près, puissants et
impalpables, et qui s'amusent à perturber nos vies, et qui sont impuissants
à communiquer, à entrer en contact avec nous, et qui ne sauraient remplir
ton ventre du savoureux élixir nourricier que je prodigue et que ta vulve me
refuse mais que ton gosier déguste avec tant de gourmandise?"
Elle riait et nous en restions là, immobiles à admirer le ciel.
- "Tu vois, je voudrais être ailleurs dans le Cosmos. J'aurais aimé un ciel
différent; et pourquoi pas trois ou quatre planètes autour de cette lune si
belle... des planètes qui danseraient un ballet ininterrompu devant nos yeux,
des planètes de grosseurs, de couleurs, et aux trajectoires différentes, ne
serait-ce pas merveilleux?"
- "Et pourquoi pas une belle androïde venue d'Alpha ou d'ailleurs et qui se
laisserait prendre par le bel étalon que je suis, Sarah ne serais-tu pas jalouse?"
Elle s'en amusait mais elle semblait se contenter de ce ciel étoilé et de
la lune scintillante.
- "C'est bien ainsi." Disait-elle, puis j'ajoutais.
- "Je suis certain que cela existe ailleurs, une preuve de l'imperfection de
notre système solaire; il y a certainement quelque part dans l'univers une
planète comme la nôtre autour de laquelle gravitent plusieurs autres
planètes aussi rapprochées et étonnantes que cette lune si radieuse, et qui
s'agitent en un spectacle grandiose, pour d'autres yeux que les nôtres,
d'autres mondes plus privilégiés, et que nous n'atteindrons sûrement
jamais."
Elle buvait mes paroles. Elle regardait le ciel mais ne semblait pas
partager ces visions et cela ne la préoccupait pas. Elle se collait à moi.
Et je reprenais mes caresses lubriques, je manipulais ses niches
démesurées, je m'y enfonçais tête première, elle pressait fermement
ces masses de chair mobiles contre mes tempes; je les mordillais, je
les léchais, je me gavais des parfums qui migraient de ses pores, elle
roucoulait et s'offrait une autre fois, comme une Mère nourricière à ce
nourrisson déshydraté.
La lune était là omniprésente. Il y eut un obscurcissement passager, je
m'étais sans doute assoupi, quand j'ouvris les yeux, le ciel était
sensiblement plus lumineux.
La lune avait pris du poids, là face à nous, au niveau de l'horizon,
dans toute sa plénitude, elle jetait une lumière envahissante dans le
ciel.
Il y avait une autre planète légèrement plus petite de couleur bleu
clair qui tranchait avec le blanc scintillant et tacheté de ce qui devait
être la lune, elle apparaissait au trois-quarts derrière celle-ci et
semblait s'en détacher; plus à gauche, une autre planète immense se
détachait lentement de la ligne d'horizon et venait tracer un arc de
cercle autour de l'astre lunaire, elle remplissait déjà le ciel étoilé, elle
était deux fois plus grosse et de couleur jaune; plus loin à droite, une
petite planète toute rouge se baladait de droite à gauche à
l'horizontale en un mouvement erratique. Le spectacle était
hallucinant. J'étais absorbé par le phénomène, Sarah n'existait plus, je
rêvais sans doute. J'étais comme dans un autre état de conscience, un
état de conscience cosmique.
J'étais euphorique à la vue du spectacle, j'avais d'étranges sensations -
presque sexuelles - les planètes s'animaient, jouaient un ballet
invraisemblable dans le cosmos infini, comme si le spectacle m'était à moi seul destiné.