D'étranges ombres d'aspect sombre apparaissaient sur la surface des
astres en mouvement. Des ombres filiformes qui s'agitaient en des
mouvements lents et irréguliers. L'éclat de la lumière ne permettait
pas de saisir avec certitude si les ombres étaient parties intégrantes des
configurations propres aux astres ou si elles se mouvaient à partir de
la ligne d'horizon de la terre. Mais était-ce la terre? L'horizon était
dentelé. Il ne correspondait pas à une image formelle de ce que je
connaissais de la terre. J'étais ailleurs, égaré quelque part dans l'espace sidéral.
L'image de Sarah me vint à l'esprit: était-elle toujours là, témoin elle
aussi du spectacle? Je n'en savais rien, rien ne me poussait à le
vérifier, j'étais concentré sur le spectacle qui s'offrait à mes yeux.
Les étranges filaments s'animaient comme des ombres chinoises sur
le fond de scène lumineux des astres en mouvement. C'était
hallucinant et irréel.
L'une des ombres s'était détachée des autres. Elle semblait s'agrandir
et se préciser, comme si elle s'approchait de moi. Je pouvais mieux en
saisir la structure formelle. Un être étrange: une sorte d'humanoïde
d'une étonnante souplesse, une bestiole aux membres extravagants,
et aux chairs colorées comme les chairs sombres des négresses
centrafricaines, une étonnante ballerine lancée dans une danse
carnavalesque, virevoltant avec légèreté dans l'espace en défiant les lois de la gravité, elle s'approchait de moi...
C'était un être vivant, j'en étais maintenant certain, une bête sans
doute, elle s'était rapprochée, elle était maintenant tout près
manifestement consciente de ma présence.
Je pouvais maintenant la détailler:
c'était un mammifère. Son thorax
était garni de plusieurs mamelles de grosseurs variables, cette
caractéristique me sautait au visage, comme une fonction exacerbée,
j'étais manifestement en présence d'une Artémis cosmique.
La tête était démesurée
par rapport à la légèreté de la structure squelettique;
une tête en forme de poire d'où sortaient deux yeux immenses comme ceux des
Mangas japonaises,
des yeux de fillette aux pupilles en constant
mouvement qui lui donnait un aspect candidement inoffensif. Ses
membres étaient rattachés à un corps élastique, découpé
en des formes sinueuses et extensibles, sporadiquement recouvert d'un enduit à l'aspect luisant et métallique, un assemblage d'une grande beauté
plastique; les membres étaient très longs et fluets, mobiles et d'apparence
fragile.
Ils bougeaient d'une façon inconsistante autour de rotules presque mécaniques, balayant le ciel, le sol, touchant toutes les parties du corps en un jeu de sémaphores
incompréhensibles comme une gigantesque libellule.
Elle s'avança vers moi et se pencha au-dessus de
mon corps;
elle étala ses membres autour de mon corps sans toutefois
le toucher; les multiples mamelles aux configurations inégales
pendaient lâchement de son thorax avec un mouvement de balancier
irrégulier - là tout près et facilement palpables -
les papilles rigides et proéminentes effleurant à peine mon visage; elle restait là impassible dans une attente quasi statique. Seules ses pupilles roulaient dans leurs vastes et
blanches cavités orbitales lumineuses, nerveuses.
J'ai senti une soudaine chaleur envahir mon corps. Un frisson prolongé
parcourut son corps. J'aperçus une longue fissure linéaire découper
sa chair cuivrée à partir de la jonction des membres inférieurs jusqu'au mont de Vénus, une longue fente vaginale décorée de
lèvres comme des fragments de chairs frisottées ressemblant aux
sépales d'une fleur... Puis la tache rouge d'un provoquant
clitoris émerger se gonfler se faire mâle et s'ouvrir largement sur
un calice aux stigmates gonflés de sang d'un rouge très vif, s'étendre largement et s'ouvrir sur un méat profond rempli de vives muqueuses et d'un étrange magma en mouvement,
se découpant provocant sur la chair sombre et appétissante de ses flancs. J'aurais
pu enfouir ma main, ma tête, et tout mon corps dans cette pâte vaginale
épaisse et malléable, y jouir de tout mon corps, de tout mon être, y
perdre conscience dans un orgasme sans fin et je jouissais déjà de ce
voyage irréel, immatériel; je sentais mes chairs glisser lentement,
inexorablement dans ses chairs vulvaires, mouvantes et visqueuses,
m'y baigner, m'y noyer, sentir les chairs de mon corps se transformer
en chairs vives chargées de sang comme les chairs fragiles d'un
phallus dégarni et plonger dans ce magma invitant au-delà les
frontières utérines, jouir tout mon être d'un orgasme sans retour.
Je fus pris de subites et incontrôlables convulsions. Mon sperme
giclait hors de mon corps en un jet continu, chaud et violent, mon corps
se vidait de sa substance, un long cri comme un AUM cosmique sortit du tréfonds de ma cage thoracique, j'étais au paroxysme du plaisir.
Le ciel était redevenu comme avant. La lune brillait de la même
intensité qu'avant. Sarah était là tout prêt, elle sortait à peine d'une violente
convulsion, la bouche grande ouverte et les yeux perdus dans l'inconscient, ses bras s'appuyaient fermement au sol, son bassin aux chairs fermes et crispées flottait au-dessus du sol; ses jambes étaient largement écartelées, découvrant sa vulve toute chaude et mouvante et qui semblait cueillir avec ferveur la sève venue de là-haut; elle était comme une chatte en chaleur,
des plaintes longues et des petits cris secs et stridents sortaient de sa gorge, elle avait joui comme jamais
auparavant. Elle s'immobilisa satisfaite, elle me regardait souriante.
Elle se serra chaleureusement contre moi, légèrement somnolente et
manifestement satisfaite.
- "C'était bon," avait-elle dit: "et je t'en remercie."
Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes et légendes, août 1998) © 1998 Jean-Pierre Lapointe
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