Les monts du Fazao bordant la frontière du Togo baignaient dans une brume matinale. Le paysage magnifique de la forêt de la région de Palimé, nous faisait oublier pour un moment, qu'il nous fallait rallier le Ghana, ses embûches et ses situations arbitraires.
Traverser le Ghana n'était pas de tout repos, nous l'avions déjà fait. Nous passions finalement la frontière caractérisée par sa bureaucratie kafkaïenne en route vers Kumasi et la Côte d'Ivoire que nous espérions rallier le soir même comme si nous allions entrer chez nous. Nous craignions les dangereux traquenards qui avaient accompagné notre descente vers la côte d'Or il y a quelques mois. Mais la route était bonne, ce qui n'était pas coutume.
Nous roulions à vitesse moyenne, en admirant le paysage et en essayant de nous familiariser à nouveau à la conduite à gauche. On se remémorait avec joie les faits significatifs de ce court voyage dans les pays du Sahel, partis d'Abidjan il y a un mois déjà.
Au loin, nous apercevions un attroupement sur le côté gauche de la route. Nous approchions lentement de ce qui nous semblait être des travailleurs routiers. Nous distinguions maintenant nettement quelques gendarmes armés entourant une mer de corps noirs à moitié nus, occupés à nettoyer l'emprise routière des herbes folles, du moins c'est ce qu'il nous sembla. La majorité des travailleurs étaient plutôt oisifs, sinon au repos. Ils manipulaient de longues et inquiétantes machettes.
A notre approche, nous sentions une sorte d'effervescence. Certains hommes s'étaient aventurés sur la chaussée et paraissaient vouloir nous interdire le passage. D'autres s'agitaient, brandissant leurs machettes ou attiraient l'attention des militaires sur notre présence. Nous avions été habitués à de telles situations lors de nos séjours précédents. A tous les villages, des barrages improvisés stoppaient les véhicules et vous laissaient le passage moyennant un léger bakchich. Ces méthodes de contrôle de déplacements des populations héritées de la sinistre Union Soviétique où avaient étudié les leaders gauchissants d'Afrique, avaient été, semble-t'il transformées par les populations créatives d'Afrique en d'utiles postes de taxation. Rien cependant, n'indiquait que ces points de contrôle étaient officiels.
L'attitude était devenue hostile au moment ou nous nous engagions à la hauteur de ce qui nous semblait être des bagnards occupés à des travaux communautaires. Je devais ralentir pour éviter de renverser l'un des hommes. Je les voyais maintenant s'agglutiner, menaçants autour du camion campeur. L'un des soldats pointait son fusil dans notre direction et nous intimait l'ordre de stopper.