Les métamorphoses de la geisha.
Acte I d'un conte érotique se déroulant à Nagoya au Japon



maiko


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La nuit s'amorce sur la grande ville de Nagoya. J'ai garé mon auto-caravane pour la nuit, sur les terrains face au château de Nagoya. Les lumières du château font un effet étrange qui transcende toute notion du temps. Après cette longue journée dans le tumulte de la grande ville, ce décors paisible me transporte à une autre époque; l'on n'entend plus qu'un soupçon du murmure lointain de la ville, la nuit sera merveilleuse.

Château château de Nagoya
Nagoya

Une auto presque silencieuse s'arrête à la porte d'une maison discrètement à l'écart, à l'une des extrémités du terrain. Des hommes alertes et bien habillés en sortent. Ils portent l'attaché case caractéristique des hommes d'affaires, ou de l'homme japonais affairé. L'étrange maison les avale prestement par une porte dissimulée sur le côté. Je m'approche discrètement mais avec curiosité de la maison. C'est une maison sombre de style japonais. Une maison toute en bois, décorée de subtils treillis de bois, des fenêtres ajourées, des toits aux tuiles noires et des parements en stucs vieillots, comme une maison d'une autre époque, d'un autre temps, une maison de geisha, une sumiya traditionnelle comme il s'en trouve dans Pontochô, le karyuu des geishas de Kyoto.

KaryuuPontochô
Kyoto

J'entends des voix qui proviennent du second étage de la maison, de l'une des fenêtres en treillis inondée d'une lumière jaunâtre, des éclats de voix d'hommes mélangés à des rires saccadés de femmes hystériques.

Après un moment de curieuse exploration de la maison, un pan du rideau, un noren de couleur noire artistiquement décoré de calligraphies kanji qui surmonte l'une des hautes fenêtres, s'écarte discrètement sur le visage étrangement maquillé d'une josei, une mystérieuse watakushi dans son attirail lumineux de geisha. Elle semble d'abord surprise de me voir puis malicieusement intéressée, elle s'excite et semble appeler d'autres occupants qui ne tardent pas à la rejoindre: deux autres geishas surexcitées qui ne cessent de m'explorer du regard et de commenter entre elles avec les petits rires saccadés caractéristiques des japonaises face à l'inconnu ou à l'insoupçonnable.

maikogeishas
bijin


Les voix sourdes et saccadées des hommes qui proviennent du lointain de la pièce, ne semblent pas perturber les jeunes geishas dans leur nerveuse exploration de ce gaïjin insolite qui arpente depuis peu les abords de la sombre demeure.

Les signes de la main qu'elles font en direction de la porte latérale de l'étrange maison sont sans équivoque, elles m'invitent à les rejoindre. Mon coeur se met à battre de façon plus accélérée, moi qui n'ai pas encore osé pénétrer ces lieux tabous qui hantent mon esprit depuis si longtemps; percerai-je enfin le secret de ces lieux où s'affairent avec tant de grâce ces mystérieuses bijin que sont les geishas vouées à satisfaire tous les désirs du mâle?

La nuit sera magnifique. Une légère brise traverse le large parking. Le château projette ses lumières étranges sur la haute muraille de pierres qui le supporte. Je n'entends plus qu'un indistinct murmure venant de la ville toute proche. Je suis transporté dans une autre dimension, les regards curieux des geishas agitent mes sens, je me sens succomber à la tentation de la chair. Je me dirige vers la porte latérale de la sombre maison, le rideau de la haute fenêtre se referme discrètement.

J'ouvre la porte latérale de la sombre demeure et pénètre à l'intérieur. Sitôt entré, une étrange sensation m'envahit, comme si j'étais projeté hors du temps. Je n'entends plus les rumeurs de la ville, rien qu'un battement régulier qui vient de mes propres profondeurs. L'escalier vieillot, aux planches de bois polies par le temps, craque sous mes pas; une lampe à l'huile anachronique projette des ombres inquiétantes sur les parois vieillottes; des odeurs inconnues viennent chatouiller mes narines. Sur le palier supérieur de l'escalier, une étrange créature, outrageusement maquillée, m'attend avec une curiosité non dissimulée.

watakushi

Fantôme immatériel, créature irréelle, femme abstraite sortie d'une autre dimension que la mienne, elle me happe sitôt que j'atteins le palier supérieur de l'escalier.

Après m'avoir déchaussé avec déférence, elle s'accroche doucement à moi et, en équilibre sur ses hauts sabots de bois, elle m'entraîne à l'intérieur d'une grande pièce faiblement éclairée par des lampes à l'huile, qui projettent des ombres blafardes sur les structures sombres de la pièce. J'aperçois un groupe d'hommes en kimonos assis à même le sol, près d'une grande table en bois laqué, encombrée de menus objets: des plats aux laques noires contenant des aliments artistiquement disposés, des jarres aux vernis glacés, d'autres objets indéfinissables. Des geishas au visage maquillé et somptueusement vêtues de kimonos aux motifs floraux, s'activent à petits pas saccadés autour de la longue table. Les hommes semblent occupés à de frivoles espiègleries qu'ils accompagnent de rasades d'une boisson à base de riz qui leur brûle la gorge. Leurs cris gutturaux font sursauter ces fragiles geishas qui s'agitent autour d'eux comme de nerveux papillons. Elles s'ingénient à satisfaire leurs moindres caprices, elles portent les aliments à leur bouche, s'adonnent avec eux à des jeux subtils et à des caresses pudiques, font naître des mélodies atones d'un étrange instrument à cordes ou s'adonnent à des danses lentes et gracieuses. La délicate féminité de ces jeunes geishas cadre mal avec la rudesse et la vulgarité des hommes.

geishamaiko
minchuku
gaïjinsumiya
kan-geiko

Mon arrivée inopinée fait naître des commentaires ironiques et parfois hostiles des hommes à l'endroit de cet étrange hennagaïjin, sans toutefois perturber leurs puériles gamineries, seules les jeunes maikos me montrent un intérêt protecteur empreint d'une curiosité non dissimulée.

Je suis entraîné hors de la grande pièce par ma compagne geisha, qui performe pour moi d'étranges pantomimes de révérence. Nous longeons de longs couloirs flanqués de parois translucides, jusqu'à l'étage inférieur et pénétrons derrière l'une des cloisons mobiles. Les multiples attentions, les révérences, les interpellations vocales incompréhensibles de ma compagne ne suffisent pas à m'éclairer sur le sens des événements et des situations. Comme un esclave docile, je me plie aux conventions qu'elle m'impose, n'attendant de ces exercices que la plus libertine des évasions.

La pièce est large et lumineuse car flanquée sur trois de ses quatre faces de shoji-gamis, ces parois translucides en papier de riz. Le plancher est partiellement recouvert de nattes en tatami, d'une section plus étroite en planches poncées par le temps et qui supporte des comptoirs en bois sombres munis de multiples bassins de formes et de fonctions variées; d'étranges récipients de métal sont suspendus au toit par de compliqués cordages; dans l'un des coins de la pièce, un haut et étroit bac circulaire, fait de planches de bois courbées, ceinturées de liens de chanvre, dégage une vapeur odorante mais inquiétante.

Ma geisha, en habile kan-geiko, m'installe à même le sol et elle entreprend un laborieux exercice pour m'enlever mes vêtements. Mes sens s'agitent. J'imagine avec euphorie les événements qui suivront et j'essaie avec angoisse de prévoir les difficiles manipulations qui me permettront d'atteindre les chairs cachées de ma tendre geisha, derrière les koitsukuri, ces épais maquillages, les multiples kimonos aux dessins floraux, la délicieuse obi qui les retient au niveau de la taille et se termine au-dessus des reins en une boucle si complexe, la somptueuse coiffure d'un noir luisant, fichée d'aiguilles et d'étranges palettes florales, je crie déjà au secours.

maikosgeishas

Je suis maintenant complètement nu et vulnérable devant cet être insolite qui me regarde avec espièglerie et câlinerie, derrière son complexe accoutrement de geisha; je brûle d'envie de la déshabiller avec toute la sauvagerie qui caractérise ma condition d'occidental impétueux. Et j'imagine avec bonheur la somptuosité de ce corps, derrière ces murailles imprenables et ma hargne à en soutirer toute les pulsions sexuelles.

Elle a du lire mes pensées; elle s'éloigne doucement en exécutant de petits sauts saccadés sur ses jambes repliées sous son corps. Son petit rire timide est sans équivoque sur la lecture qu'elle a faite de mes sourdes intentions, elle appelle d'une voix déterminée quelqu'un derrière la cloison fragile; l'une des cloisons translucides en papier de riz s'ouvre lentement sur une toute jeune fille, une belle atashi, presque une fillette. Elle est nue: une chair blanche aux formes douces, d'une rondeur fragile, le front ceint d'une gaze transparente, seul son visage est maquillé, un masque d'amidon d'une blancheur blafarde, le dessin arrondi des lèvres diminutives souligné à la lèvre supérieure d'un pourpre éclatant, les cils redessinés très haut au-dessus des yeux en amandes, comme le masque impavide des mystérieuses geishas, avant l'installation laborieuse des somptueux kimonos par les onagoshi-san; elle s'agenouille près de moi, timidement, à même le tatami de la pièce et elle attend dans une pose de complète soumission.

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Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes et légendes asiatiques, décembre 1998) © 1998 Jean-Pierre Lapointe
(En hommage à Hiroshige, Hokusai, Utamaro, aux geishas et au Japon)


ACTE II