Le corps astral de l'indienne
Acte III d'un conte érotique de l'adolescence.


l'indienne

"L'homme est un dieu déchu"
"Qui se souvient des Cieux,"

pensée anonyme

"La femme est une sorcière en gloire"
"Qui revient de l'Enfer."

pensée corrolaire


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Son visage est dessiné d'étranges tatouages géométriques qui naissent près des yeux, s'étalent de part et d'autre des ailes de son nez aquilin, se déploient plus loin en traits plus larges et imprécis jusqu'au niveau du menton; ses cheveux sont minutieusement travaillés en deux longues tresses de la couleur de l'encre noire entremêlées de cordons multicolores, se prolongent jusqu'au niveau des hanches frôlant au passage ses petits seins juvéniles délicatement soulignés d'un maquillage de terre de couleur ocre; son front est ceint d'un large bandeau en peau de daim finement ciselé d'intrigants dessins d'animaux tutélaires et surmonté de plumes d'aigle multicolores; elle porte à son cou, à ses chevilles, à ses poignets, au-dessus de ses coudes et jusque sous les aisselles, des colliers de perles, des coquillages, des verroteries étincelantes, des plumes d'épervier, des ossements d'oiseaux et des wampums. Mon corps repose de tout son long sur le corps ainsi décoré de la jeune indienne; ses petits seins rigides s'appuient avec audace sur mon thorax, je les sens à travers l'épais tissu de mon battledress; le bas de mon ventre titille au contact d'un minuscule bouclier en peau tannée, et décoré de perles tressées serré, relié à la taille de ma funeste visiteuse, fragile armure ne protégeant qu'à peine l'accès au refuge secret de sa vulve. Spectre étrange, femme d'un autre temps immobile, gracile, vêtue et décorée en vue d'un mystérieux rituel initiatique. Je reste là inerte, et comme un nécrophore halluciné, je suis soudainement investi d'un indescriptible appétit.

Les invectives et les attaques des fantômes invisibles se font de plus en plus oppressantes tout autour. Puis les yeux de la jeune squaw s'ouvrent lentement et s'animent, son corps s'agite doucement sous mon corps sans doute trop lourd à supporter; elle me regarde dans les yeux, de ses yeux noirs et perçants et qui n'expriment aucune surprise devant ce Visage Pâle et de me voir ainsi si près et reposant sur son corps fragile; puis elle me parle, elle me parle d'une voix douce, des mots inconnus des phrases en un dialecte incompréhensible, mais qui m'apaisent.

Je sens tout son corps s'imbriquer à mon corps. Elle m'enlace d'une étreinte presque amoureuse. Je me sens soudainement plus léger; mes rudes vêtements de toile, mon battledress, mon casque d'acier, mes armes se sont mystérieusement évanouies au sol, je suis léger aussi léger qu'il me semble pouvoir voler comme si mon corps astral s'échappait de mon corps charnel. Je sens de façon charnelle le contact chaud de sa chair s'imprégner à ma chair. Nos deux corps imbriqués l'un dans l'autre s'agitent, et s'élèvent doucement au-dessus du sol pendant que l'angoissant tumulte s'intensifie tout autour de nous.

Notre lente ascension s'accompagne de l'agitation plus prononcée des mystérieux fantômes, le sifflement inquiétant des flèches de part et d'autre de notre étrange équipage, des flèches, des lances qui nous évitent de justesse et qui viennent mourir lentement à la hauteur de nos corps enlacés avant de redescendre, épuisées, vers le sol.

le vol astral de l'indienne

(attention: image animée volumineuse)


Nous grimpons doucement hors d'atteinte des flèches et nous voguons ainsi en vol plané comme de paisibles oiseaux nocturnes en route vers le royaume du Grand Manitou.

En dessous de nous, je vois des tracés géométriques, des objets aux alignements symétriques, des signes abstraits disposés en vue de rituels magiques; le dessin nettement visible de là haut d'une enceinte circulaire, des pierres aux formes courbes disposées à l'intérieur d'un tumulus de terre, des totems chargés de menaçants manitous, tout cela s'agite en un malveillant potlatch sous l'effet d'épouvantails squelettiques aux formes fantomatiques animées de mouvements erratiques, théâtre de l'agitation d'une armée de chamans terrifiants sortis du fond des temps pour venger le viol de la terre sacrée de l'indien, les détails évidents d'un antique cimetière indien.

Nous voguons ainsi au-delà les limites du cimetière et à l'abri des attaques de ses fébriles occupants. Nous redescendons lentement vers le sol, le tumulte venant du cimetière tout près s'estompe graduellement, la nuit est subitement paisible et calme, la lune nous enveloppe d'une douce lumière, elle illumine ainsi l'image de nos corps enlacés qui viennent s'immobiliser doucement sur le sol.



Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes et légendes érotiques, août 1998) © 1998 Jean-Pierre Lapointe


ACTE IV