Chant XXXI du Paradis
La Sainte milice des Vierges blanches.
L'espoir en la Béatitude.
In forma dunque di candida rosa mi si mostrava la milizia santa che nel suo sangue Cristo fece sposa; ma l'altra, che volando vede e canta la gloria di colui che la 'nnamora e la bontà che la fece cotanta, sì come schiera d'ape, che s'infiora una fiata e una si ritorna là dove suo laboro s'insapora, nel gran fior discendeva che s'addorna di tante foglie, e quindi risaliva là dove 'l suo amor sempre soggiorna.
La sainte milice des vierges blanches que le Christ épousa de son sang, et l'autre qui chante la gloire de Celui qui l'embrase d'amour, comme un essaim d'abeilles en besogne, tantôt plongent dans l'abîme pour y cueillir le nectar divin, refond surface un temps, épuisées et repues, pour se reposer sur les pétales rouges de sang,ou descendent dans la grande fleur où leur Amour séjourne éternellement, pour ne plus refaire surface. Tout leur corps est de flamme vive, leurs flagelles sont d'or, et le reste blanc et translucide, qu'aucune neige ne leur ressemble. Ils descendent dans la fleur, de degré en degré, ils y perçoivent le bonheur et la paix qu'ils acquièrent en jouant de leurs flagelles pour vaincre la force irrésistible du courant. Ni la vue ni la splendeur ne les arrêtent, par cette multitude, nageant à contre-courant, qui s'interpose entre la fleur et le haut; car la lumière divine les pénètre selon qu'ils en sont dignes, si bien que rien ne peut leur faire obstacle, sinon la couronne radieuse qui en protège l'accès, et qui se désagrège sous l'effet d'une force divine, afin qu'une âme unique la pénètre et la féconde de son précieux pollen. Ce joyeux et tranquille noyau, rempli d'une lumière attirante, dirigeait les regards vers le même but, la promesse d'un amour nouveau. Ô lumière éternelle! Scintillant à leur vue dans une seule étoile, et les comblait ainsi d'un désir si intense, que ne pouvait arrêter la tempête de leur course folle. Moi, qui étais passé de l'humain au divin, de la notion du temps à l'éternité, de la vulgarité terrestre à la sublimation du Bien, de quelle stupeur ne devais-je pas être rempli! Certes, entre Jeanne et l'espoir en la Béatitude, qu'il m'était doux de ne plus entendre et de rester muet. J'appelais de tous mes voeux et j'espérais atteindre le premier le sanctuaire; comment pourrais-je vous le décrire, ceux trop nombreux et anxieux qui me lisent? Ainsi, je nageais ça et là dans le plasma lumineux, je promenais mes yeux par tous les degrés, tantôt en haut, tantôt en bas, tantôt tout autour. Je voyais des visages empreints du même désir aveugle, rayonnants de la lumière d'un Autre et de leur propre désir: des mouvements produits par toutes les peines en même temps que toutes les grâces. Mon regard avait déjà embrassé, tout entier, la forme générale du Paradis, qui ressemblait à un soleil immobile, mais scintillait d'une lumière qui semblait m'interpeller, m'appeler de tous ses voeux, ce qui renforçait ma course échevelée, ainsi que celle des autres âmes qui s'agglutinaient tout autour, entretenant, il me semblait, les mêmes désirs aveugles, les mêmes souffrances, les mêmes peines, à vouloir se rapprocher si près de l'Astre érogène. Et, avec un désir rallumé, je me tournai vers ma dame pour l'interroger sur des points dont mon esprit était préoccupé. J'entendais m'adresser à une personne, et c'est une autre qui me répondit; je croyais voir Jeanne et je vis une dame, pudiquement dévêtue, comme ces grâces mythiques. Elle avait une pieuse attitude et répandait une douce sérénité, comme il convient à une tendre mère. "Où est Jeanne?" Dis-je soudain. Et la Sainte Dame me répondit: "C'est Jeanne qui m'a envoyée pour mener ton désir à terme; et si tu scrutes bien ton âme, tu la verras jusqu'à la fin du voyage." De ce gouffre si profond d'où le tonnerre éclate, aucun oeil mortel n'est aussi éloigné que mes regards ne l'étaient de Jeanne, mais aucun obstacle n'altérait son image. Et je vis Jeanne dans un rayon de soleil, nue et délestée de son armure d'acier, elle se confondait à la lumière ambiante, et elle n'en était que plus belle. Et je la priai ainsi: "Ô Adorable Pucelle! En Toi, j'ai mis toutes mes espérances charnelles. Toi qui, pour chasser mes angoisses, laissas en enfer la trace de Tes pas fragiles, je Te remercie d'avoir, par Ta grâce, remplacé, en moi, l'esclavage des sens par la liberté de l'Amour suprême. Accompagne mon âme, ainsi guérie, pour qu'elle se détache de ma chair et qu'elle Te rejoigne dans l'Extase éternelle." Je la vis, au loin, qui me regardait et qui souriait; elle se tourna vers le gouffre éternel où je surnageais avec peine et je sus qu'elle priait pour moi. Et la belle Sainte du ciel me dit: "Je suis envoyée par Celle qui, mue d'un saint Amour pour toi, m'a priée de te guider dans ce voyage en te préparant à entrer dans l'Ovule divin; la Reine du Ciel, pour qui je me consume toute entière d'Amour, nous obtiendra la grâce de mener à terme ce voyage, car je suis Thérèse fille d'Avila, et je vis en extase devant le Roi du Ciel." Je levai les yeux et je vis une lumière intense, avec en son milieu mille anges en fête, aux corps translucides et aux ailes déployées, et je vis une Beauté en leur centre, qui souriait à leurs jeux et à leurs chants. Je ne pourrais exprimer, ici, avec des mots ou des images terrestres, ce que je retins d'Elle, et comment la Dame Vierge enflamma mon âme. Lorsque Thérèse vit mes yeux fixés sur elle, elle tourna les siens vers elle, avec tant d'amour, qu'elle rendit les miens aussi ardents d'Amour pour Elle.
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: musique d'atmosphère (fairy): emprunté aux Archives du Web.
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