Chant XXVIII du Paradis
image Prudhon

Le plaisir des anges.
Ainsi règne le Divin Amour.


Poscia che 'ncontro a la vita presente d'i miseri mortali aperse 'l vero quella che 'mparadisa la mia mente, come in lo specchio fiamma di doppiero vede colui che se n'alluma retro, prima che l'abbia in vista o in pensiero, e sé rivolge per veder se 'l vetro li dice il vero, e vede ch'el s'accorda con esso come nota con suo metro; così la mia memoria si ricorda ch'io feci riguardando ne' belli occhi onde a pigliarmi fece Amor la corda.


RETOUR À LA PORTE DU PARADIS


Ainsi je fis, si ma mémoire m'est fidèle, en regardant dans les beaux yeux de Jeanne dont l'Amour à fait des gibets pour me pendre. Et, quand mes yeux se furent tournés vers le ciel, je vis un Point qui rayonnait d'un feu si perçant, que j'ai dû fermer les yeux pour ne pas en être ébloui. Un cercle de feu tournait autour du Point, si vite qu'il aurait dépassé le mouvement des astres; et ce dernier était entouré d'un autre cercle, et d'un troisième, puis d'un quatrième, de sorte que je comptai jusqu'à neuf cercles concentriques qui tournaient plus lentement, à mesure qu'ils s'éloignaient de l'épicentre. Ma dame, qui s'apercevait des doutes qui meublaient mon esprit, me dit: "De ce principe dépendent le ciel et la nature, par l'ardent Amour qui le stimule." Et je lui répondis: "Si le monde d'où je viens était disposé ainsi, je serais comblé, mais, dans le monde sensible, on voit bien le contraire; les âmes sont d'autant plus méritantes qu'elles sont éloignées du Centre du Pouvoir; ainsi, si mes désirs doivent être apaisés dans ce temple de l'Amour, il me faut apprendre encore, pourquoi le modèle et la copie diffèrent, car c'est en vain que je cherche à le comprendre par moi-même." Et elle me répondit: "Si ton esprit est incapable de comprendre, n'en sois pas étonné puisque c'est un mystère. Si tu veux être rassasié, ouvre grand ton esprit et écoute ceci. Si tu mesures à la profondeur de l'Amour, et non à sa grandeur apparente, tu verras quelle admirable conformité il existe, de plus grand à plus petit, entre chaque ciel et son Intelligence." Ainsi je vis, après que ma dame m'eut secouru par cette réponse claire, et que la vérité me parut briller comme une étoile unique dans le ciel. Dans ce ciel j'entendis chanter "Hosanna" qui se propageait de choeur en choeur autour du Point fixe. Et celle, qui percevait des doutes dans mon esprit, me dit: "Sur les premiers cercles sont les Séraphins et les Chérubins. Ces autres amours qui vont autour d'eux, sont les Trônes du regard divin, qui termine le premier ternaire. Sache qu'ils ont autant de Joie qu'ils pénètrent profondément dans le Vrai où repose toute Intelligence; de ceci l'on peut comprendre, que la Béatitude est dans l'acte de Voir et non dans celui d'Aimer." Je pensais en moi-même et je commençais à craindre qu'il en soit ainsi, d'atteindre en moi la Béatitude en ne pouvant plus aimer Celle qui me parlait ainsi, et en me contentant de La regarder et de La voir. Et elle continua ainsi: "Le second ternaire chante Hosanna en trois choeurs; c'est le chant des trois déesses de l'Extase: les Dominatrices, les Vertueuses, les Puissantes; aux deux pénultièmes cercles de danse, s'ingénient les Principautés et les Archanges et le dernier est formé du plaisir des Anges. Tous ces ordres regardent en un Point Unique, qu'ils sont attirés vers Dieu, et que Dieu les attirent vers Lui, et qu'ainsi règne le Divin Amour." Jeanne se tut et elle était désirable, aussi belle et vertueuse qu'un Ange.



Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: egypte de Claude Debussy, emprunté aux Classical Midi Archives.
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CHANT XXIX DU PARADIS