Chant VI du Paradis
In God we trust.
J'ai régné par César et maintenant
je règne par Uncle Sam.
«Poscia che Costantin l'aquila volse contr'al corso del ciel, ch'ella seguio dietro a l'antico che Lavina tolse, cento e cent'anni e più l'uccel di Dio ne lo stremo d'Europa si ritenne, vicino a' monti de' quai prima uscìo; e sotto l'ombra de le sacre penne governò 'l mondo lì di mano in mano, e, sì cangiando, in su la mia pervenne. Cesare fui e son Iustiniano, che, per voler del primo amor ch'i' sento, d'entro le leggi trassi il troppo e 'l vano.
Réveillé de ma torpeur, j'entendis venant d'une autre lumière qui s'était immobilisée là, sans que je sache d'où elle était venue: "Qui donc es-tu, toi qui m'éblouis de cette vive lumière?" Tel le soleil qui se cache lui-même dans son trop vif éclat, lorsque la chaleur a détruit les vapeurs épaisses qui tempèrent sa lumière, telle cette figure Sainte se dérobait dans son rayonnement qu'augmentait sa joie plus grande, et toute enfermée dans sa splendeur, elle me répondit ainsi: "Après que César eut transporté l'aigle de Rome à Washington, celui qui avait suivi, cent ans et plus, l'oiseau préféré de Dieu, ne se contenta point de siéger aux portes de Troie, mais sous l'ombre de ses ailes étoilées, il gouverna le monde passant de main en main, et, dans ses changements, il laissa toujours son arme à ta porte. J'ai régné par César et maintenant je règne par Uncle Sam, et, par l'inspiration du Saint-Esprit qui m'embrase, j'ai débarrassé le monde des lois du superflu et de l'inutile. Et avant que je ne me fusse appliqué à cette cause, je croyais qu'il n'y avait dans le Christ qu'une seule voie pour me satisfaire, mais les valeureux pèlerins, qui débarquèrent sur les côtes de Nova Anglia, me dirigèrent, par leurs paroles, vers le véritable but qui est d'imposer cette foi au monde. Je le crois, et ce qui était un dogme, je le vois maintenant aussi clairement que tu vois qu'il y a le faux et le vrai dans des termes contradictoires. Aussitôt que je marchai dans la voie de la Foi, il plut à Dieu, par sa grâce, de m'inspirer le haut labeur auquel je me donne maintenant tout entier; et je confiai mes armes à mes aigles fidèles, à qui la main du Ciel fut si généreuse que cela me réconfortait dans ma seule vérité. Ma réponse donne maintenant satisfaction à ta première question, mais dans des conditions telles que je suis obligé de poursuivre, pour que tu voies combien à raison s'élèvent, contre l'emblème sacro-saint, et ceux qui se l'approprient et ceux qui le combattent. Vois combien d'héroïsmes l'ont rendu digne de respect, héroïsmes qui commencèrent au moment où mes boys furent sacrifiés pour le faire régner. Tu sais qu'il y a cent ans et plus, il voulut faire de l'Amérique toute sa demeure, jusqu'à ce que le général Grand, en supprimant l'esclave au Sud, le fasse régner sous un autre nom qui dure encore, du Nord jusqu'au Sud. Et tu sais ce qu'il fit du rapt des Nazis, à la douleur de la Palestine, sous l'offensive d'Eisenhower et du plan de Marchal, il triompha, par sa bravoure, de tous les peuples voisins qui se croyaient libres; tu sais ce qu'il fit, porté par des marchands valeureux, contre Grenade, contre Panama, et par des coups d'état à d'autres États et à d'autres peuples; c'est de là que Patton, Pershing, Eisenhower, et combien d'autres, qui durent leur nom à leurs étoiles, tirèrent leur renom que je me plais à te décrire. Il abattit l'orgueil des Arabes qui, à la suite de Kadafi, imposèrent leur Foi, au sud des sables du Sahara; sous lui, triompha encore le bouillant MacArthur, qui parut amer à cette grande île des Samouraïs qu'il a mise à ses pieds. Puis, vers le temps où le Ciel voulut réduire le monde entier à son état de paix, Uncle Sam, par la volonté de Moloch, s'en empara manu militari; et ce qu'il accomplit de la Seine jusqu'au Rhin, de la Tamise jusqu'au Pô, et toutes les vallées dont les eaux ont cessé de chanter, sans le moindre effort pour que les voix de ces peuples ne chantent plus que de son chant. Ce qu'il fit après être sorti de Londres et avoir franchi la Manche, en suivant les chemins tracés par Richard Coeur de Lion et ses croisés, fut d'un vol si puissant que ni la langue ni la plume ne pourraient plus parler ni écrire de la même façon; il tourna ses ailes vers l'Asie puis vers l'Océanie il frappa l'Afrique avec une telle violence, que le deuil en fut ressenti jusqu'au Nil brûlant. Il revit sa Virginie natale, et les tombes d'Arlington d'où il était parti vivant, et où il repose maintenant sous une simple petite croix blanche; et il reprit son vol au grand dommage des bonzes du Congrès. De là, il descendit pareil à la foudre en Terre Sainte, puis il revint en Occident où il entendait faire retentir les trompettes de Dizzie Gillespie; de ce qu'il a fait avec celui qui ensuite l'a porté, Westmoreland hurle dans l'enfer, et Saigon, Danang et Hué en gémirent de douleur. Elle en pleure encore, la triste Russie qui, fuyant devant lui, s'inventa en toute hâte, une démoncratie à l'image du Vilain. Avec son armada, il courut jusqu'au Golfe Persique, et, avec elle, il fit régner une telle paix sur le monde, que la mosquée de la Mecque fut à jamais interdite aux fous d'Allah. Mais ce que l'emblème, dont je parle, avait d'abord fait, et devait faire ensuite, par le royaume mortel qui lui est soumis, apparaît peu de choses et de faible gloire, si l'on considère d'un clair regard et d'un coeur pur, ce qu'il a fait aux mains du premier de ses généraux; car Dieu qui m'inspire lui concéda, aux mains de celui dont je viens de parler, la gloire de venger sa colère. Émerveille-toi maintenant de ce que je vais t'expliquer: il fit tonner ses missiles pour tirer vengeance de la vengeance du péché originel; et quand les éclairs de Bagdad s'en prirent aux synagogues, Schwarshkhov en vainqueur, à l'abri de ses ailes, vint leur porter secours; tu peux maintenant reconnaître en eux, l'axe du mal, ceux que j'ai, tout à l'heure accusé, ainsi que leurs fautes qui sont cause des malheurs du monde. L'un, à l'emblème universel, lui oppose les lis de la Gaule, et l'autre s'en empare pour imposer sa foi jusqu'à l'Est: Il est difficile de voir celui des deux qui commet la plus grande faute; de cette guerre froide, l'ami est toujours plus responsable que l'ennemi. Que les Gaulois fassent donc, s'ils le peuvent, leur métier sous l'emblème qui porte la faucille et le marteau, car c'est mal le suivre que de toujours le séparer de la justice. Et que ce nouveau De Gaule, ne l'abatte point avec ses Fanfaronnades, mais qu'il redoute les serres qui ont hérissé les poils de ce lion trop redoutable! A présent, leurs fils pleurent l'esprit d'indépendance du père, mais que l'on ne crois pas que Marianne puisse se contenter de ses seuls Lys comme armes." J'étais impatient devant sa longue dissertation, mais fasciné, je voulais en savoir plus et je lui demandai: "Et dis-moi également, pourquoi tu occupes le degré de cette sphère qui se voile aux hommes dans d'autres rayons?" Et il s'empressa de me répondre, comme s'il était impatient d'avoir été interrompu par ma question: "Cette petite étoile qui orne le ciel, se pare d'esprits valeureux qui ont été actifs et qui en tirent honneur et renommée; et quand c'est à ce but, au détriment de Dieu, que vont leurs désirs, leur amour véritable est alors moins vif vers le ciel. Mais il entre dans notre joie, de mesurer notre récompense à nos mérites, parce que nous ne la voyons ni moindre ni plus grande. In God we trust, et ainsi, il purifie tous nos désirs, en sorte qu'ils ne peuvent jamais se tourner vers rien de mauvais. Comme sur la terre des voix diverses font de doux accords, ainsi dans notre vie, des degrés divers font en ces sphères une douce harmonie. Et, au sein de cette perle, brille la lumière des puritains venus d'América, dont la grande et belle oeuvre fut mal récompensée. Mais les nations qui se dressèrent contre lui n'ont pas eu à en rire, car c'est prendre un mauvais chemin que de voir un bien pour soi, dans les mauvaises actions de l'autre. Uncle Sam eut plusieurs filles, dont chacune fut pute à tour de rôle, et l'une et l'autre portait l'Amérique sur son sein, elles étaient missionnaires, de fière descendance. De louches paroles les poussèrent ensuite, à demander des comptes à ce juste, qui lui avait rendu au centuple. Alors, il s'éloigna encore jeune et toujours riche; et si le monde comprenait le grand coeur qu'il eut, en propageant sa Vérité morceau par morceau, de ce monde qui l'admire, beaucoup l'aimerait maintenant."
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: musique New Age (Mujhvnpq), empruntéw aux Archives du Web.
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