Chant XXIX du Purgatoire
La procession mystique.
Carmina Burana.
Cantando come donna innamorata, continuò col fin di sue parole: 'Beati quorum tecta sunt peccata!'. E come ninfe che si givan sole per le salvatiche ombre, disiando qual di veder, qual di fuggir lo sole, allor si mosse contra 'l fiume, andando su per la riva; e io pari di lei, picciol passo con picciol seguitando. Non eran cento tra ' suoi passi e ' miei, quando le ripe igualmente dier volta, per modo ch'a levante mi rendei.
RETOUR À LA PORTE DU PURGATOIRE
La Dame souriait et elle chantait tout en marchant, on aurait dit une amoureuse; et, doucement, en s'approchant de moi pour que je sois le seul à comprendre, elle me dit: "Bienheureux Celui, et je voudrais que ce soit de toi qu'il s'agit, dont les désirs sont dignes de pardon!" Alors, elle se mit à remonter le fleuve, à petits pas, telle une Nymphe solitaire et égarée dans une forêt sombre, en se faisant désirer, je la suivais de très près. Après une courte marche elle se tourna vers moi et me dit, d'une voix presque éteinte: "Mon frère, regarde et écoute!" Voici qu'un éclair apparut et qu'il resplendissait sans jamais disparaître, il s'accompagnait d'une mystérieuse mélodie, aussi je me vit blâmer Ève d'avoir défié Dieu lui-même, me privant ainsi de jouissances charnelles: "O Fortuna velut luna statu variabilis, semper crescis aut decrescis; vita detestabilis nunc obdurat et tunc curat ludo mentis aciem, egestatem, potestatem dissolvit ut glaciem." Je me demandais ce que cela pouvait être et plus j'avançais dans la lumière, plus mes sens s'éveillaient à l'Éternel Bonheur. "Oh Vierges saintes, mes Muses!" me dis-je: "D'avoir souffert pour vous tant d'abstinence et des veilles trop longues à vous espérer, je suis pressé de vous en demander ma récompense." Et elles s'avançaient vers moi, entourant un ornement pareil à un candélabre flamboyant, braqué et rouge de sang, il pointait arrogant vers le Ciel. Elles semblaient le vénérer, le caressant, l'embrassant, le manipulant fermement tout en chantant en choeur de leurs voix lascives et sensuelles: "Chramer, gip die varwe mir, die min wengel roete, damit ich die jungen man an ir dank der minnenliebe noete. Seht mich an, jungen man! lat mich iu gevallen!" "Minnet, tugentliche man, minnecliche frouwen! minne tuot iu hoch gemout unde lat iuch in hohen eren schouwen Seht mich an jungen man! lat mich iu gevallen!" Je me tournai plein d'admiration vers Baudelaire, et je vis qu'il avait un regard de couardise, puis je reportai mes yeux sur ces Choses merveilleuses qui s'approchaient et semblaient vouloir se donner telles des épouses conquises et soumises. Wol dir, werit, daz du bist also freudenriche! ich will dir sin undertan durch din liebe immer sicherliche. Seht mich an, jungen man! lat mich iu gevallen!" La Belle Dame me réprimanda ainsi: "Pourquoi t'enflammer de désir pour ces vives lumières sans regarder ce qui vient derrière elles?" Alors, je vis venir près d'elles des angelettes aux corps translucides, toutes identiques et blanches comme neige, scintillantes comme des saphirs. Et tout autour d'elles, d'autres anges aux corps robustes et luisants comme l'acier, tous identiques mais pleins d'audace, transperçant les angelles de leurs membres arrogants et qui chantaient sans unisson: "Soyez bénies, Filles du Ciel, donnez-vous aux Anges du Ciel comme savent le faire les filles d'Adam, et faites-les jouir d'un Orgasme éternel!" "Via lata gradior more iuventutis inplicor et vitiis immemor virtutis, voluptatis avidus magis quam salutis, mortuus in anima curam gero cutis." À la suite des anges du Ciel, suivaient quatre animaux étranges couverts de feuilles et munis de longues ailes, dont les plumes étaient parsemées de multiples yeux, comme ceux d'Argo qui jamais ne dormait. "Ego sum abbas Cucaniensis et consilium meum est cum bibulis, et in secta Decii voluntas mea est, et qui mane me quesierit in taberna, post vesperam nudus egredietur, et sic denudatus veste clamabit: Wafna, wafna! quid fecisti sors turpassi Nostre vite gaudia abstulisti omnia!" Puis, s'avançait un char triomphant sur quatre roues, attelé au col d'un Griffon. Trois dames le bordaient du côté droit; elles dansaient en cercle, faisant miroiter sous les éclats de l'éclair, leurs corps gracieux de chairs dénudées, aux couleurs du feu, de la neige et de l'ébène. "Amor volat undique, captus est libidine. Iuvenes, iuvencule coniunguntur merito. Siqua sine socio, caret omni gaudio; tenet noctis infima sub intimo cordis in custodia: fit res amarissima." Du côté gauche du chariot dansaient quatre autres dames identiques entre elles, au regard paré d'un troisième oeil; elles étaient de couleur azur et telles, qu'elles me fascinaient. Plus loin venaient d'autres personnages, d'allure et de parure vénérables; et des anges et des Archanges comme enrobés dans la ouate, aux ailes repliées ou volant au-dessus du cortège, et bien d'autres qui défilaient ainsi, qu'il me serait trop long de décrire. "Si puer cum puellula moraretur in cellula, felix coniunctio. Amore suscrescente pariter e medio avulso procul tedio, fit ludus ineffabilis membris, lacertis, labii" Et quand le char fut en face de moi, on entendit un éclat de tonnerre, et tous s'arrêtèrent là. "Ave formosissima, gemma pretiosa, ave decus virginum, virgo gloriosa, ave mundi luminar, ave mundi rosa, Blanziflor et Helena, Venus generosa!" "Sors immanis et inanis, rota tu volubilis, status malus, vana salus semper dissolubilis, obumbrata et velata michi quoque niteris; nunc per ludum dorsum nudum fero tui sceleris." "Sors salutis et virtutis michi nunc contraria, est affectus et defectus semper in angaria. Hac in hora sine mora corde pulsum tangite; quod per sortem sternit fortem, mecum omnes plangite!"(1)
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
(1) Paroles et musiques tirées de Carmina Burana de Karl Orff.
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