Chant XXVIII du Purgatoire
Oh! belle Dame dont je ne connais pas le nom.
Le Parnasse dans tes rêves, est ici le Paradis Terrestre.
Vago già di cercar dentro e dintorno la divina foresta spessa e viva, ch'a li occhi temperava il novo giorno, sanza più aspettar, lasciai la riva, prendendo la campagna lento lento su per lo suol che d'ogne parte auliva. Un'aura dolce, sanza mutamento avere in sé, mi feria per la fronte non di più colpo che soave vento; per cui le fronde, tremolando, pronte tutte quante piegavano a la parte u' la prim'ombra gitta il santo monte;
RETOUR À LA PORTE DU PURGATOIRE
Je brûlais du désir d'explorer et je m'écartai dans la divine forêt; j'arrivai près d'un ruisseau aux eaux limpides, j'arrêtai mes pas et je jetai un regard tout autour, et là, m'apparut comme une chose qui émerveille et qui chasse ainsi toute autre pensée. Une Dame esseulée, aux chairs appétissantes, elle allait, chantant et cueillant des fleurs: "Ah! Attirante Belle Dame qui te réchauffe ainsi aux rayons qui inspirent et qui aiguisent l'Amour, s'il te plaît de t'approcher plus près pour que j'entende ce que ton chant me dit. Tu me fais penser à Proserpine et à l'endroit où elle se trouvait, alors que sa mère l'égara et que Pluton effeuilla sa Marguerite." Elle se tourna vers moi, modeste, semblable à une Vierge en baissant les yeux, elle exauça ma prière si bien que je saisis le sens de ses paroles. Elle me fit la grâce de lever les yeux sur moi, elle me souriait si tant est que je la croyais être Vénus. Et elle nous dit: "Vous êtes nouveaux venus ici, et vous me semblez vous méprendre sur l'intention derrière mon sourire et de ce que je sois si peu farouche, et, je le devine dans vos yeux narquois, si appétissante et facile à croquer. Toi qui marches si vite, qui m'interroges et qui transpire une telle sensualité, je suis là, non par hasard, mais pour répondre à toutes les questions qui embrument ton esprit." Et je lui répondis: "Ô Belle Étrangère qui semble égarée en ce jardin, je m'interroge sur le sens de la présence, dans ce lieu où je ne croyais pas y trouver, outre votre Beauté, Dame dont je ne connais pas le nom, de cette eau et du bruissement des feuilles dans la forêt, comme cela est sur Terre?" Et elle répondit: "Je vais te dire ce qui est la cause de ton étonnement. L'Être Suprême créa l'homme Bon, et Il lui donna ce lieu choisi pour être le nid du genre humain. Mais il y resta très peu de temps car il changea en Désirs et en Angoisses charnelles, l'innocence et le doux plaisir des sens que ce lieu lui promettait. L'eau que tu vois a, comme source éternelle le Léthé d'un côté et de l'autre, l'Eunoé; ici, elle enlève à chacun le sens du péché, et là, elle rend celui de tout le bien que le péché procure. Moi je t'apprendrai à apaiser tes soifs en te faisant goûter à ce nectar. Ce lieu dans tes rêves et que tes amis poètes connaissent si bien sous le nom de Parnasse, est ici le Paradis Terrestre." Je me tournai alors vers les poètes et je vis, par leur sourire, qu'ils avaient tout compris; et je regardai à nouveau la Belle Dame, en pensant à ce doux péché originel, avec Ève, la belle pécheresse de mes fantasmes, chassant nue dans le Jardin d'Éden.
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: Dido et Énée de Purcell, emprunté aux Classical Midi Archives.
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