Chant X du Purgatoire
Ecce Amor Dei.
Parce qu'appuyée sur lui et déjà conquise était la Vierge
Poi fummo dentro al soglio de la porta che 'l mal amor de l'anime disusa, perché fa parer dritta la via torta, sonando la senti' esser richiusa; e s'io avesse li occhi vòlti ad essa, qual fora stata al fallo degna scusa? Noi salavam per una pietra fessa, che si moveva e d'una e d'altra parte, sì come l'onda che fugge e s'appressa. «Qui si conviene usare un poco d'arte», cominciò 'l duca mio, «in accostarsi or quinci, or quindi al lato che si parte».
RETOUR À LA PORTE DU PURGATOIRE
Le bruit que j'entendis, me fit comprendre que la porte s'était refermée sur nous, au-delà de laquelle l'amour mauvais nous était interdit. Nous montions une paroi du rocher, si abrupte qu'il fallut l'aborder avec adresse, de sorte que notre cheminement en fut ralenti et que, la nuit approchant, il était temps de s'arrêter. Rendus au faite du rocher, face à une paroi abrupte, nos yeux purent voir aussi loin qu'ils le pouvaient, nos pieds ne s'y étaient pas encore avancés que je m'aperçus que cette muraille circulaire, qu'aucun accès ne permettait de gravir, était de marbre blanc, orné de sculptures telles que Rodin lui-même en aurait paru diminué. L'ange qui vint sur terre pour l'Annonciation de la naissance de l'amour, implorée de tant de larmes par tous les siècles et par laquelle le Ciel, trop longtemps fermé, s'est ouvert devant nous, apparaissait si réel, représenté là dans une attitude galante, qu'il me semblait qu'il jouissait déjà. On aurait juré qu'il disait: "Amor!" Parce qu'appuyée sur lui et déjà conquise était la Vierge, qui lui avait donné la clef qui ouvre la porte de sa vulve virginale et, par son attitude, elle exprimait ces mots: "Ecce amor Dei", aussi nettement qu'une image est gravée dans le marbre. Mon maître qui me surprit ainsi admirant l'oeuvre, me dit: "Ne fixe pas ton esprit sur un seul point" Aussi je détournai mes regards de Marie, et de l'autre côté m'apparut une scène taillée dans le roc, je m'approchai pour mieux la voir. Il y avait là, sculpté dans le marbre, un attelage de boeufs traînant la sainte Arche d'Alliance et, précédant celle-ci, une foule divisée en sept choeurs dont mes sens ne pouvaient dire s'ils chantaient ou se taisaient, s'ils humaient ou non l'encens; et tout en avant du Cortège était David, au corps dénudé, et dont la danse sacrée était endiablée, de sorte qu'il me semblait être plus ou moins que roi. Et Michol, sa maîtresse, le regardait de loin en mimant, dans la solitude, l'acte sexuel. Je quittai cet endroit pour voir de près une autre scène qui m'attirait par l'éclat qui embrasait le sujet. Là était figurée la gloire sublime d'un Prince antique. Au crin de son cheval se traînait une pauvre courtisane en larmes. Tout autour, le sol était foulé de cavaliers et des aigles d'or semblaient se mouvoir dans le ciel. La pauvre courtisane semblait dire: "Seigneur, si tu ne me prends illiquo, je me désespère jusqu'à la mort!" Et lui paraissant lui répondre: "Attends que je sois de retour." Mais elle, comme une personne que la passion rend impatiente: "Mon Seigneur, et si tu ne reviens pas?" Et lui de répondre: "Celui qui sera là après moi, te prendra à ma place." Mais elle, encore disait: "Le bien fait à un autre, à quoi te servira-t-il si tu négliges le bien que je t'offre maintenant?" Et lui alors de répondre: "Or, sois satisfaite, je te dois de remplir ce devoir avant de partir, ta Passion le veut ainsi et la Foi m'y contraint." Ainsi qu'il ne se voit point sur terre, celui-ci a su produire au-delà des paroles, les gestes qui conduisent à l'Amour. Pendant que je m'émerveillais à contempler ces images d'une si grande concupiscence, le poète murmura: "Voici une troupe nombreuse qui se déplace à pas lents, elle nous conduira aux degrés plus élevés." Mes yeux toujours attentifs à découvrir des choses nouvelles, je me détournai vers l'endroit que m'indiquait Baudelaire. Je ne veux point cher lecteur, t'enlever ton courage en te décrivant ainsi, ce que Dieu exige en compensation de ses fautes. Plutôt qu'à la vigueur des tourments, pense plutôt à la fin qu'ils prédestinent au soir du Jugement Dernier. Et je dis: "Maître ce que je vois venir ne me semble pas être des hommes, la dure condition de leur supplice les écrase jusqu'au sol de sorte que j'hésite à saisir ce que mon oeil voit, déjà je peux voir comment chacun se mortifie." Et mon maître me dit, alors qu'il semblait leur adresser la parole: "Ô vedettes! orgueilleuses et présomptueuses, qui mettiez vos espoirs dans l'adulation des foules, sachez que vous n'êtes que des larves qui se mutent en ces âmes fragiles, qui vont comme les papillons sans défense brûler leurs ailes au tribunal de la justice divine. Qu'est-ce qui permet à votre âme de s'élever ainsi, alors que vous n'êtes que des insectes ratés pareils à des vers qui n'ont pas encore atteint leur maturité?" Ainsi, je vis ces esprits autrefois pleins d'arrogance, plus ou moins contractés par des charges qui les faisaient paraître tels des cariatides affaiblies par le poids des ans, et celui qui était le plus près dit en pleurant: "Je n'en puis plus, je n'en puis plus!" Et la foule criait: "Vas-y, vas-y, t'es le meilleur et on t'aime vas-y, ne lâche pas, t'es capable!"
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: Adoramus Te Christe de Giovanni Pier Luigi Palestrina, emprunté aux Classical Midi Archives.
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