Chant II du Purgatoire
l'Enfer

La naissance des Âmes.
Nous quittons la servitude de la corruption humaine.


Già era 'l sole a l'orizzonte giunto lo cui meridian cerchio coverchia Ierusalèm col suo più alto punto; e la notte, che opposita a lui cerchia, uscia di Gange fuor con le Bilance, che le caggion di man quando soverchia; sì che le bianche e le vermiglie guance, là dov'i' era, de la bella Aurora per troppa etate divenivan rance. Noi eravam lunghesso mare ancora, come gente che pensa a suo cammino, che va col cuore e col corpo dimora.


RETOUR À LA PORTE DU PURGATOIRE


Le soleil descendait à l'horizon, nous étions encore au bord de la mer, cherchant notre chemin, lorsqu'une lumière apparut qui volait au-dessus des flots, d'un vol rapide, et qui se rapprochait vivement de sorte que mon guide me cria: "Plie vite les genoux et joins les mains! Voici venir l'ange de Dieu! Dorénavant, tu ne verras que de tels Ministres des Cieux. Vois comme il dédaigne les usages des hommes, il n'a besoin ni de rames ni de voiles, n'utilisant que ses ailes pour se déplacer!" Plus vite il s'approchait, plus brillant il était, si bien que j'avais du mal à supporter son éclat. L'oiselle, car j'ai bien reconnu là une femelle, était blanche de partout et portait de longues ailes, seuls ses yeux étaient bleus comme le ciel, elle avait tous les attributs des femelles, des formes arrondies et des membres très sveltes, de courts cheveux frisés et un visage d'hirondelle, un ventre gonflé et de laiteuses mamelles, ainsi qu'une large blessure à la place de l'hymen. Mes sens s'agitaient à la vue de cette femelle, mais au lieu de stimuler mon appareil, comme il est normal chez les mortels, c'est mon esprit qui était épris d'Elle alors que j'imaginais me fondre en Elle. Je n'en dis rien à mon guide qui aurait pu m'en faire le reproche, bien qu'étant Baudelaire, ayant eu les mêmes penchants comme en font foi ses vers. Mais mon trouble à moi semblait d'ordre Intellectuel. L'ange oiselle s'arrêta un moment sur la plage, je reconnus un nocher qui la chevauchait, il semblait en tirer beaucoup de plaisir et en dedans d'elle, mille esprits qu'elle laissa sortir de son hymen qui s'était largement ouvert, et ils chantèrent d'une seule voix: "Nous quittons la servitude de la corruption humaine pour la liberté de la gloire éternelle." Puis l'ange femelle repartit soulagée, mais aussi rapidement qu'elle était venue. La troupe, laissée seule sur la plage, semblait désorientée ne connaissant pas les lieux, tous levèrent les yeux vers nous et demandèrent: "Montrez-nous, si vous le connaissez, le chemin qui nous permet de gravir cette montagne." Et mon guide de répondre: "Comme vous, nous sommes étrangers à ces lieux, venus par un chemin qui nous fut âpre et rude, tel que de monter là nous paraît un jeu d'enfant." Les âmes s'aperçurent, à ma respiration, que j'étais encore vivant et elles s'en étonnèrent, mais elles en tirèrent avantage pour connaître le sort de ceux qu'elles avaient laissé derrière elles. Ces âmes bienheureuses se mirent à me dévisager, oubliant qu'elles étaient belles. L'une d'elles se porta en avant pour m'embrasser de sorte que je lui rendis ses baisers. L'ombre me regardait en souriant et je la reconnus aussitôt, elle me dit: "Comme je t'ai aimé dans mon corps de mortelle et je t'aime encore; mais pourquoi es-tu ici?" Et je reconnus en elle la belle et divine SuYen aux yeux immortels, qui avait sucé toutes mes veines et qui en avait payé de sa vie. Et je lui dis: "Je ne suis ici que de passage avant de retourner d'où je viens." Puis j'en reconnus d'autres: Sali l'Africaine, belle et sensuelle fleur toute noire d'Afrique, elle s'était laissé cueillir avec grâce. Et là, la jolie mariée du Rajputana dont l'époux m'avait prié de briser l'hymen encore vierge. Puis, une jeune guerrière Moudjahid dont j'étais prisonnier et qui m'a libérée pour l'avoir divinement masturbée. Ici, un mirage du désert, le petit ange gardien Touareg que j'ai aimée sans jamais la déflorer. Et plus loin, une somptueuse Geisha, fantôme venu d'un temps féodal qui n'a jamais survécu à mon orgasme. Et cette fougueuse Ghanéenne qui m'offrit son sexe carnivore dans un rituel magique. Et la mystérieuse Aryenne au visage voilé qui s'est laissé violer dans ses voiles. Mais il y en avait tellement d'autres que je ne pouvais les compter toutes. "Si votre état ne vous prive point du souvenir de mes gestes d'amour envers vous, qui comblaient alors tous mes désirs, qu'il vous plaise d'en consoler mon âme qui est ici avec mon corps fatigué par ce périple infernal. Comme il fut bon de vous aimer toutes, mais quelle souffrance d'avoir à vous désirer toutes sans pouvoir vous prendre à nouveau! Ces amours d'antan entretiennent mon esprit pour ma Dame." "Qu'est-ce cela, esprits paresseux, pourquoi vous arrêter ainsi? Courez vite à la montagne et dévêtez-vous de cette écorce qui vous prive de la vue de Dieu" C'était Caton, le vieillard et gardien du Lieu, qui s'impatientait ainsi. Et je vis la troupe des esprits, parmi lesquels, toutes celles que j'avais tant aimées, aller vers la montagne comme des êtres ne sachant où aller. Et notre départ ne fut pas moins rapide.



Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: la primavera de Hanrich Schutz, emprunté aux Classical Midi Archives.
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CHANT III DU PURGATOIRE