Moucharabiah.
extraits de poésie arabe.
Elle se nommait Désirée L'oeil reçoit le souhait d'un bonjour favorable, chaque fois que de toi la lumière épandue le touche et le ravit à chaque aube. La traîne de sa robe bien que volumineuse ne peut courber sa taille, fleur que n'abîme point le vent dans les fourreaux qui gémit. Associée aux bienfaits que dispensent les femmes, leur confiant le soin de placer les bijoux, elle arrange avec goût la ceinture. De toutes parts tassée, elle ne peut saisir la mèche sur le front, et ne veut acquérir au sommet des cheveux la couronne. Des cheveux sur la tempe, au-dessus de la joue, comme une ligne noire à l'encre, qu'a tracée un doigt fort convenable, gracieux. Cheveux mouillés de musc qu'un doigt a ramenés en trait bien arrondi, harmonieuse courbe, menée entre l'oreille et l'épaule. Un bel adolescent, sauf que c'est un garçon qui veut lui ressembler. Basilic de la vie, savoureux à qui veut embrasser. Ici sont réunis l'agrément de la forme, la beauté de l'habit, et ne peut la décrire dans les moindres détails aucun mot. Prudence d'un athée, oeillade d'une fille adressée au client qui recherche l'amour, le suprême désir de l'amant. Froncement de sourcils, désespoir de prison; faux semblant de dégoût, une ruse subtile; regard de Djinn, coup d'oeil hypocrite. Un oeil qui te contemple a remporté trois fois la victoire, au profit de ton admirateur, ô toi des créatures le beau charme. Une belle coquette Pour tous ceux que Dieu a créés, elle simule un grand amour, et leur jette à tous son salut, ainsi que ses meilleurs souhaits. A sa porte je suis venu pour me plaindre de mon tourment; or je n'ai pu m'en approcher, tant l'affluence y était grande. Toi qui ne peux te contenter d'un seul ami et compagnon, ni même, je crois, de deux mille pour ton propre usage, à chaque an. Et même tu dois être un reste des fameux gens de Moïse qui ne supportaient pas d'attendre pour manger, qu'un repas fût prêt. Le poids du désir Qui porte le poids du désir est vite fatigué, mais un élan joyeux vient l'alléger Quand il voit son amour comblé. Si tu le vois verser des larmes, dis-toi qu'il convient de pleurer en son état, car ce qui est en lui, ne peut sembler frivole. Et toi, femme, tu ris gaiement et cours vers ta distraction, tandis que ton amant se livre à sa douleur, à ses sanglots. Le mal qui chaque jour m'étreint, à tes beaux yeux tout étonnés semble étrange et bien singulier: l'étrange serait ma santé. Satan Aux clartés du matin je me suis confié, et Satan soutenait ce qui me fait pécher Je l'ai vu s'élevant jusqu'au plus haut des cieux, et puis il s'abattit, entraînant les étoiles. Il voulut étonner afin d'être entendu; ne fut pas long pourtant sans tomber lapidé. Me dit en s'élevant: "Salut à toi, pécheur, toi dont le repentir est fait d'illusions. As-tu auprès de toi des jambes de pucelle, au corps frais, qu'embellit une poitrine saine? Chevelure opulente épandue à torrents sur le dos, d'un noir vif qui raconte la vigne? - Non! lui dis-je. - As-tu donc un imberbe garçon aux fesses bien remplies, qui tremblent, qui frémissent, engourdi, ainsi qu'une pucelle naïve, et la gorge nue, orpheline d'un collier? - Non! lui dis-je. - As-tu donc un garçon babillard qui sait parfaitement claquer des doigts, chanter? - Non! lui dis-je. - Alors, va renoncer fermement à tout ce qui ressemble aux plaisirs que j'ai dits, car moi j'espère un jour te voir me revenir, malgré ta décision, ô illustre imbécile. Aussi vrai que j'ai nom (Abou-Mourra) partout, te conduire autrement, c'est agir comme un sot." ABOU-NOWAS (environ 195-810)
Marco Polo ou le voyage imaginaire (poésie arabe de René R.Khawam) février 2005, Jean-Pierre Lapointe
(poésie accompagnée de manuscrits arabes, musique from Midi World Archives)