Moucharabiah.
extraits de poésie arabe.
Tu es mon Enfer et mon Paradis J'ai accepté la rencontre, et tu m'as répondu par l'abandon; j'ai accepté mon avilissement et tu as gardé ton orgueil. Ton amour qui retient captif m'a infligé son tourment, et en toi ce qui séduit m'a trompé. J'étais libre et toi, esclave; je me suis vu asservi et toi, rendu libre. Toi qui me tyrannises sans commettre de crime, à toi seul appartient la fuite possible loin de mon esclavage. Tu es mon Paradis, tu es mon Enfer, et ce qui porte le plaisir me gâte et me corrompt. Ton sourire, aube resplendissante Est-ce un éclair dans les ténèbres qui a lui, ou la lumière d'un flambeau, ou son sourire, aube resplendissante? O tristesse d'une âme déplorant son absence! Inquiétude d'un coeur désemparé qui ne peut trouver qu'en elle son vrai repos. Elle tremble comme un rameau jeune qu'a fatigué le passage d'une averse, pleurant ses gouttelettes sur les tendres feuilles. Deux messagers sont venus porter de ta part l'heureuse nouvelle douces paroles qui étanchent la soif du malheureux cloué sur un lit de douleur; regards qui enivrent l'homme lucide. Je t'accorde volontiers cet éloge que personne jamais ne pourra te causer un préjudice blâmable. Loin de moi cette crainte! Que peut donc raconter à ton sujet une bouche criminelle? AL-BOUHTOURI (environ 204-819,284-897) Chevelure L'aquilon de sa chevelure aux regards l'a cachée; visage, nuit étoilée ou l'on devine l'aurore. Ses cheveux la couvrent d'une ombre sage et tutélaire; dans les ténèbres, on cherche un gracieux rayon de lune. Les prés verdoyants Joins donc l'une et l'autre de tes joues à la mienne, tu verras alors, ô surprise, ton esprit ébloui, car les prés verdoyants de tes joues prendront sur les miennes la rosée des larmes... Roses de tes joues et narcisses du regard, deux lèvres qui se joignent dans les solitudes. Boisson que je boirai, tout en sachant bien, par sa vie, qu'elle est au-dessus des plaisirs. Limpidité Pour se baigner, dégaînant son corps de sa robe, un excès de pudeur de rose orna ses joues. Elle s'offrit à l'air, nue et sans repentir, lui donnant un zéphyr plus ténu que le vent, et joignit de sa paume une limpidité à une eau cristalline apprêtée en un vase. Ayant fait couler l'eau et s'étant essuyée, elle allait promptement remettre ses habits, lorsqu'elle vit près d'elle un homme qui guettait. Voile noir des cheveux emprisonnant le jour, son aube disparut sous un manteau de nuit, et la sueur perla sur la mer cristalline. IBN AL-MOU'TAZZ (247-861,296-908) Nuit de joie Nuit de joie, dans la demeure ou j'ai été reçu. Aucun nuage n'est venu troubler mon bonheur, Nuit de sérénité, la plus douce de ma vie. Dans la coupe de mon vin, des mains généreuses ont versé des douceurs nouvelles. Il a poli la coupe, avec ses propres mains, Celui qui est plus brillant qu'un clair de lune, le petit de gazelle. Clair de lune éclatant sur le rameau d'un saule. Il s'avance, harmonieuse vibration; sa taille est si fine qu'il fléchit en marchant. Tout donner pour sa rançon! Lui, de taille fine et svelte, volontiers, pour sa rançon, je deviendrais sourd et aveugle. Dès l'instant ou mon regard s'est posé sur les aspects multiples de sa beauté, éperdument je l'ai aimé. O perfection de ce svelte maintien! Fraîche splendeur de champs verdoyants. Il a souri légèrement, lorsqu'Il a vu mon trouble. Les dents de sa bouche d'aromates, entre ses lèvres, étincellent. Lorsqu'Il eut développé la finesse de ses propos, j'ai senti, en l'écoutant, la douceur de mon bien-être. Lève-toi, ô prisonnier, et fais ton butin du but suprême de tes désirs. Il se lève, dans un balancement de rameau tendre, le rameau qu'agite la brise légère, lorsqu'elle souffle au point du jour. Je L'ai étreint de l'étreinte d'un assoiffé d'amour, alors qu'en Lui, le vin nouveau avait folâtré. O ne cherche pas à savoir davantage... Nous, dans un opulent jardin, ô beauté de ce jardin, qui, sous nos regards, se déroule, ceint d'une couronne de perles que les nuages porteurs de pluie avaient déposées. Une colombe murmure sa joie sur les branches, et chaque rameau fléchit, chaque rameau, chargé de fleurs, chargé de fruits. J'ai rejeté toute honte dans le désir de son amour, et cela m'était doux. Transports de joie nés avec la musique entendue, douces mélodies sur un luth sans cordes. Et l'on polit la coupe, et mon Bien-Aimé boit avec moi, lune éclatante entre les étoiles qui scintillent... J'ai obtenu ce que désirait ma passion, la douceur de l'étreinte, et le baume d'une vie entière en sa compagnie, sans calomniateurs et sans trouble. O douceur de cette nuit! Nous l'avons passée sur des trônes, côte à côte rangés, couverts de rameaux fleuris, glissant le long d'une rivière limpide. IBN AL-DJA'BARI (environ 659-1241) Des cheveux fous Des cheveux fous en forme d'L sur un visage d'adolescent ont paru soudain pour traîner vers la fontaine de male mort mon coeur endolori. Aussi noirs que la sombre nuit, Ils me paraissent d'une blancheur d'aurore, annonçant le bonheur d'un chemin clair et d'une voie ou l'on marche avec joie. ABOU-ISHAQ AL-HOUSRI (environ 413-1022)
Marco Polo ou le voyage imaginaire (poésie arabe de René R.Khawam) février 2005, Jean-Pierre Lapointe
(poésie accompagnée de manuscrits arabes, musique from Midi World Archives)