solitudes
Diverses escales poétiques:
Je suis nu......
rivage
je pense amour......................................................
Jardins public
délires....................
rêve brisé
tristes dimanches
Je suis nu.........
Que je me vide de la vie, du monde, du jour
Oh, entrer dans la nuit, dans le bois, dans l'eau
du ruisseau
sortir de la boue, entrer dans l'eau au contour du bois
dans le ruisseau
J'ai les pieds sales jusqu'au cou
j'ai les jambes de poils rabougris
le sexe éreinté et vers de gris
j'ai le ventre guimauve ventriloquace
j'ai les seins renversés au bec des omoplates
j'ai le visage nez gratte-ciel
Je vais me laver au ruisseau au contour du bois
déjà je plie les genoux sur le sein verdure
déjà je touche le sein verdure et je suis nu
déjà je reprends vie mon sexe renaît
déjà la nuit se bute sur mon ventre
se fait main
déjà je sens le sang qui se flue au vent putain
je tombe dans le ruisseau
je vois des ombres
je bois dans l'eau
j'entends des gnômes
crier des noms féminins
j'ai les oreilles contrefaites
je flotte ventre à la lune nonesse
les sous-bois se font cloîtres et carmels
j'offre ma devanture aux étoiles jouvencelles
j'offre mon cul à asseoir la nuit
j'offre mon sexe à ombrer le paysage
je suis nu dans l'eau des saintes bénédictions
je suis nu sur l'eau
lavé
rivage
rivage au bras coulant
sauvage
sage et sang dessus
tissus
vestes de mer
restes de mères
fichues
bocage
naufrage au bateau nu
perdu
aux orages carnages
aux images barbares
repues
Je pense amour
je pense amour
mes nuits sur vos oreillers de rêve
je pense amour
amour accroché aux cordes du désir
amour par la rue étroite de votre coeur
amour sur le sein battu des matins
je pense amour
je crie amour aux oiseaux qui s'aiment
amour aux animaux qui se regardent
aux arbres qui s'entre-branchent
je pense amour
amour d'ombres sur les murs dépeints
amour de rêves sur les visages d'hommes
amour de réalités sur l'image nature
je pense amour
en-dehors des hommes qui se battent
au-delà les vertus d'acier et de plomb
loin des villes désespérées
je pense amour
amour sur la fatigue des matins
amour sur le poids des midis
amour sur la tristesse des soirs
je pense amour
pendu aux cordes de vos bras
suspendu à votre rire tristesse
esclave de vos nuits mensonges
je pense amour
je pense l'amour insensé
je pense l'amour des rêves ingrats
je pense l'amour indéfinissable
mes nuits sur vos oreillers de rêve
je pense l'amour
Jardins publics
L'oeil en rosiers
perce l'oasis des jardins publics
visages connus
visages inconnus
soleils estropiés par l'inconnu des sections de forêts
chevelures d'ingres au pendant des rires
rires hirsutes ou tristes
et des masques dans les eaux réflectives
tristologie de quarante heures
les vingt ans dans la misère des bitumes
gestes tronqués
décors dépeints
masques repeints
filles détériorées
une chaloupe d'eau amoureuse
dans la coupure d'un sillage
amoroso
mais
les granites des Pucelles
freinent l'audace des gigolos
seins de plomb et organes d'acier
sous l'angélique physionomie
les rixes d'amourettes
troublent le calme des sous-bois.
Délires
Elles se sont arrêtés au creux des doigts
les images en arrêt de soleil
Et nous avons joué vos paradis
sur la marche des nuits prédestinées
Maintenant que vos doigts sont fatigués
Maintenant que votre souffle s'éteint
Maintenant que le sommeil emporte les filles
il vous faut retourner aux lumières
il vous faut éteindre votre mémoire
et retrouver vos mirages pour demain.
Je promenais mes doigts dans la nuit
et j'avais des flûtes dans mes doigts
pour sonner le réveil des cloches
Il y avait des fenêtres dans vos yeux
et mes flûtes se sont fatiguées à vos lits
J'ai arrêté le pendule à minuit
et nous avons cessé de regarder la nuit.
Près de vos songes calcinés
il y a le passage d'un émoi
Près de votre corps en chairs de nuit
il y a vos lits défaits au plaisir
Vos visages d'illustres paradis
sont jetés à l'abîme des crânes
Et l'image des faces destinées
est confondue au paysage de l'oubli
J'ai vos matins plein mes poches
et j'ai vos rêves dans mes poches trouées
J'ai votre vie sur mon doigt
mais je tremble et n'en peut plus.
rêve brisé
Porte close sur la pâleur de mes songes
un filet de lune par le trou de la serrure
et le mol pas d'une fillette à travers les ombres
de mes meubles
Porte ouverte sur la réalité de ce songe
mes mains qui encerclent des reins de satin
des seins de fées qui retiennent mes mains et les ombres
de deux coeurs
Porte brisée sous le choc d'un cauchemar
un incendie de lune calcinée détruit mes rêves
et le pesant pas d'un tonnerre déferle dans la lourdeur
de mon cerveau d'ombres.
tristes dimanches
je suis sorti par l'espace
Marco Polo ou le voyage imaginaire (poésie: Rêves, 1961) © 1996 Jean-Pierre Lapointe
une espèce d'espace sur le dimanche
il y avait des filles de jardin
c'étaient aussi des fleurs
il y avait des fleurs de jardin
c'étaient aussi des filles
je leur disais merci
elles me montraient leurs couleurs
elles me disaient chéri
et je suis parti sans leur dire bonjour
car mon rendez-vous était la nuit
et la nuit j'ai rendez-vous avec personne
car les fleurs et les mercis de fleurs
les mercis et les filles de fleurs
les filles et les fleurs de jardins
tous les jardins de mercis et de filles
sont à la bouche du silence
sont à la mer d'espoir
sont au geste de solitude
tous les dimanches avant le matin
sont à la bouche de mer
de gestes d'ombres sans lendemain
et si je reviens de l'espace
avec mon rire presque parfait
ma gorge chaude de vivre
mes yeux dans le silence qui souffle
j'ai bien envie d'y laisser mes mains
car je n'ai plus besoin d'instruments
je n'ai plus besoin des rêves de gestes
je n'ai plus besoin de vous