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La femme à plumes ou le sacrifice de la reine sauvage du Nouveau-Monde.

Acte III d'un conte érotique se déroulant dans un Nouveau monde.

rituel sacrificiel


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Du sommet de la pyramide, un dégagement plat, avec, en son centre, un autel en granit sculpté, l'autel du sacrifice, une stèle marquant l'entrée d'un puits qui disparaît dans les profondeurs de la pyramide, puis, tout autour, l'horizon infini, sans relief, l'au-delà, la demeure des apus, ces esprits qui hantent la forêt, la forêt verte à l'infini.



Le prêtre s'avance, il est revêtu d'un pectoral sacerdotal fait de plumes d'or, une coiffe en forme de disque solaire, des parures d'oreilles en forme de têtes de serpent, des parures suspendues à ses narines; des incantations fusent de toute part, nous assistons à un rituel sacré et j'attends la mort comme un destin, irréel.

Nous sommes côte à côte, la femme à plumes et moi, réunis comme des amants, par les mains, l'on nous fait monter sur l'autel sacrificiel, la dalle est chaude, brulée par le soleil mais je suis insensible, insensible à la mort aussi, comme si tout n'existait déjà plus.

femme à plumes


Elle est là, devant moi, la déesse vierge, l'épouse du soleil, immobile, elle me scrute du regard, de haut en bas, impertinente; elle s'approche, elle enlève, avec dextérité, mes bottes, ma coiffe et mes liens; je suis nu, la lèvre tremblante, le sexe érigé, apeuré ou plus simplement excité par le désir; elle se colle à moi, violemment; elle ceinture ma taille de ses longs bras mobiles, elle glisse ses doigts sur mes fesses, les déchire de ses ongles affûtés, glisse ses mains autour de mes fesses, les macule de mon propre sang, puis elle glisse sournoisement ses doigts entre mes cuisses, elle empoigne mes testicules, elle les manipule, les soupèse, les enserre jusqu'à les faire éclater; elle agrippe mon pénis, l'enserre, l'étire et le fait se dresser comme un pieu, gonflé de sang, prêt à éclater, puis d'un geste inattendu, elle me projette sur la pierre chaude de l'autel sacrificiel, elle se jette sur moi, à corps perdu, écartant les jambes, elle s'engouffre en moi sans aucun autre préambule, s'activant en des gestes mécaniques, accélérant, décélérant, puis se reposant doucement sur mes chairs inondées de sueur, elle remonte ensuite, bombant le torse très haut, faisant ressortir ses seins pointus, tels des lances finement affûtées, provocante, elle s'immobilise ainsi au-dessus de mon cadavre immobile, me regarde d'un air impassible, puis elle se laisse tomber à nouveau sur moi, enfonçant les aiguilles de ses seins dans mes chairs, s'activant de plus belle, accélérant, décélérant outrageusement autour de mon pénis jusqu'à ce que je répande en son ventre, toute ma semence, mon sang, mon âme, ma vie sans doute.



femme à plumes




Puis elle se repose sur moi, inerte, soudée à moi, comme effondrée dans l'orgasme, un plaisir partagé qui nous fond l'un dans l'autre, dans une étreinte mortelle, comme si nous ne formions plus qu'une seule chair, un seul corps, une entité unique. La vie s'échappe de moi, je m'accroche à elle comme à un radeau, sachant que je vais mourir, je m'anéantis en elle, savourant cette mort comme une rédemption.

Après nous avoir laissé forniquer ainsi, le prêtre s'approche de nos corps étendus sur la dalle, il m'écarte de la vierge sauvage et, à l'aide d'un Tumi, un couteau sacrificiel fait de bronze, d'un geste précis et rapide, il découpe la poitrine de la femme à plumes, il plonge ses mains dans la large blessure et y extirpe son coeur ensanglanté qui bat toujours au rythme des pulsations de l'orgasme, il le brandit devant les assistants en récitant d'étranges incantations. Les officiants se précipitent sur le coeur dégoulinant de sang, comme sur une proie, ils le dévorent aussitôt.

Au moment où le glaive va s'enfoncer dans ma poitrine, je me réveille en sursaut et j'aperçois: des corps sombres, des visages inhumains, bariolés, tatoués, emplumés, hirsutes; trop sombres et trop vulgaires pour qu'ils soient tes frères, vahine, mon amour. Ce ne sont pas tes frères. J'ai du sombrer dans la mer, trop loin, trop loin de ton île, chez les sauvages, entraîné par la tempête, la mer jalouse, et toi? Toi, frêle esquisse, tu as sombré à jamais dans mes rêves.

Nouveau-Monde




Tout est sombre. J'ouvre les yeux. Tout est encore noir. Des bribes de soleil, percent à travers les arbres sans doute. Ou, ce sont des corps, comme si c'étaient des arbres. Des corps de la couleur des arbres. Des corps bronzés par la mer, par le soleil ou le temps. Des sauvages! ce sont des sauvages; j'entends leurs cris; leurs voix aux accents stridents, leurs incantations diaboliques; ce sont des sauvages, ou des cannibales. Ce sont des cannibales et ils sont prêts à me dévorer.

J'ouvre les yeux à demi, j'aperçois des visages, des chairs nues, noires et bariolés, des pénis en érection, des ceintures de plumes d'oiseaux, des maquillages grotesques, des mains agitées balançant des lances aiguisées, des bracelets d'ossements, des colifichets; des hommes m'entourent, des guerriers sans doute, qui me voilent la lumière du jour, le paysage environnant, la forêt, la plage, la mer, j'entends pourtant le son des vagues, le sifflement du vent dans les arbres, la forêt est là, tout près, la mer aussi, je sens l'odeur du sable, je suis un naufragé de la mer. Échoué sur une plage déserte, sur une île, un Nouveau monde, et ce sont des sauvages, des cannibales.

- Puaiti vahine, es-tu là?



cannibales




Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes érotique, novembre 2002) © 2002 Jean-Pierre Lapointe
(resources recuillies auprès des cultures Polynésiennes, Incas et Mochicas)


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