La femme à plumes ou le sacrifice de la reine sauvage du Nouveau-Monde.

Acte II d'un conte érotique se déroulant dans un Nouveau monde.

Nouveau-Monde

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Je me sens soulevé du sol. On me soulève. Je suis soulevé au-dessus des corps sombres de mes geôliers, j'aperçois enfin le ciel, tout bleu, au-dessus des têtes. L'on me transporte au loin, à vive allure. Le ciel tournoie autour de moi, les plaintes venant de la mer s'amenuisent lentement et je n'entends plus que les plaintes de la forêt, forêt vierge, forêt sombre, forêt cruelle, forêt putréfiée.

On me soulève, je suis transporté dans la forêt. Je ne peux voir que le ciel et les feuilles qui frôlent les hautes branches; j'entends les cris des oiseaux dans les arbres, affolés devant les hommes qui courent dans la forêt, ils déplacent les branches, agitent les feuilles, font jaillir l'eau du sol spongieux.

- Vahine. Tu n'es plus là. Je ne te vois plus.

J'entends des clapissements, les clapissements des enfants, les hululements des femmes aussi, des sons insolites, des croassements d'animaux, cochons, poules, bruits domestiques, pilons, enclumes, buits guerriers, tam-tams; il y a une clairière, la forêt, s'éloigne; des piquets, des lances, des arbres isolés, garnis de masques terrifiants, toits de pailles, fragments de toiture, maisons sans doute, nous traversons un village; l'odeur de chair roussie, le purin de cochons, la fiandre d'animaux domestiques, humains, la viande qui grésille sous le feu, odeurs malodorantes.

Je perçois un attroupement autour du cortège, des pas accélérés, des cris, des hululements, des hennissements, des enfants s'accrochent au cortège, des femmes, des vieillards, des fillettes sans doute, les cris des cannibales, mes porteurs, empressés, étourdis par le rythme du tam-tam, ennivrés par la foule, la coca hallucinogène, le sacrifice, l'expiation.

C'est la forêt à nouveau. Les cimes des arbres défilent au-dessus de ma tête, plus vite, encore plus vite, les cris d'oiseaux affolés, les bruissements d'animaux qui s'enfuient, les enfants qui ne peuvent suivre le rythme, leurs voix qui s'évanouissent peu à peu; plus d'enfants, plus de femmes, plus de vieillards qui suivent le cortège, je me sens seul, seul avec le tam-tam, la barbarie, la peur, le sacrifice, la mort.

Forêt humide, obscure, des feuillages pourrissants, des arbres en décomposition, des charniers d'animaux en putréfaction, la mort, tout près.

Soudainement, la forêt disparaît, remplacée par une ombre sinistre, une ombre grisâtre qui voile le soleil; tout devient sombre peu à peu, et l'ombre d'une structure géométrique apparaît au-dessus de ma tête, une ombre immense, sinistre, une ruine enfouie dans la forêt vierge, agressée, agonisante, la muraille d'une pyramide en escalier, oubliée là par quelque ancienne civilisation.



reine sauvage


L'ombre de la pyramide s'évanouit lentement dans la pénombre, je m'engouffre dans la pyramide, la diagonale de la pyramide, disparaît, fait place à des parois resserrées, un plafond trop bas; on s'enfonce dans la pyramide, la nuit remplace graduellement le jour, nuit éclairée de feux sinistres qui animent les parois du gouffre; les cris, les sons des tam-tams qui se réverbèrent sur les parois solides et sur mes tympans fragiles, je m'enfonce vers mon destin, destin inconnu, j'ai peur, j'ai peur, j'ai peur.

J'avance dans le ventre de la pyramide, gisant à l'horizontale, flottant au-dessus de mes porteurs agités, mon ventre frôlant les plafonds humides, puis, soudain, le toit se dégage, une haute voûte , les cris sauvages des porteurs se répercutent sur les parois de la voute, des ombres sinistres se dessinent sur les parois, reflets de la lumière blafarde des torches, l'ombre de ma dépouille voletant comme un démon affolé sur les parois de la voûte.

L'on me dépose à terre, au centre du hall, près d'une pierre de forme rectangulaire, lisse et maculée de lichen, d'aliments en décomposition, comme un autel, sur lequel repose un gisant, un mort ou simplement la reproduction de la mort.

Une idole, c'est un dieu sans doute, leur dieu, le créateur du monde.

Autour de moi, les danseurs s'agitent, hystériques, comme des fantômes, ils gesticulent, ils s'époumonent, ils sont en transe, hallucinés, gavés de drogues psychotopes.

Une ombre surgit soudain de derrière l'autel.

C'est un masque, le masque d'un sorcier, un masque pour faire peur, tromper les apparences. Il est ceint d'une jupe en fibres végétales qu'il agite au rythme du bassin. Il brandit des objets, comme des épouvantails. Les hommes s'écartent, effrayés, ils se collent aux parois de briques. Je reste seul avec le chaman, face à l'autel, au gisant impassible, mystérieux. Les voix se taisent. Le chaman ouvre la bouche, il croasse, il crie, il cacasse, et il s'arrête devant moi, Villac-umu au regard terrifiant. Il agite une tranchante machette sous mon nez. J'ai peur. L'on m'attache: une corde de chanvre autour du cou, reliée à mes organes génitaux.

Puis il y a un mouvement désordonné parmi les officiants; des rumeurs inquiétantes chez les hommes, une ombre surgit de derrière l'autel; deux officiants la retiennent par les bras: une femme, plutôt une déesse, mince, grande et haute sur ses jambes, somptueuse, éblouissante de beauté, nue, sa chair cuivrée est tapissée de plumes d'oiseaux multicolores, deux plumes parent sa tête, de longues tresses qui finissent en tête de serpent, dans son dos flottent des rubans qui se terminant en tête de renard.

Elle ressemble à un oiseau, un oiseau plus secret qu'un condor, un condor à l'oeil perçant que mes yeux ont du mal à supporter. Elle est comme une prêtresse, elle me fixe longuement, je perçois aucun sentiment dans son regard. Mon instinct me dit que mon destin et le sien se rejoignent ici.

On nous rapproche l'un de l'autre, l'un face à l'autre, et l'on nous attache ainsi. Lorsque ma chair nue entre en contact avec sa chair tapissée de plumes, je suis envahi d'un désir que je n'avais jamais ressenti auparavant au contact d'une femelle, une pulsion sexuelle provenant non pas de mes sens, mais de mon âme où l'orgasme doit mener à la mort, une mort ressentie et acceptée par tous mes sens.

Ainsi attachés l'un à l'autre, l'on nous fait faire plusieurs fois le tour du catafalque. Les incantations s'intensifient, le rythme de nos pas s'intensifie également, les participants gesticulent et s'époumonent, guidés par le son des tam-tams et des flûtes, les gestes énergiques des officiants, la danse cadensée des officiants, du sorcier, des fidèles.

Le chaman s'adosse au catafalque, on détache la femme à plumes, le chaman libère son pénis, érigé et provoquant; des ordres, des invectives, on agenouille la femme à plumes qui engouffre le pénis déjà en érection au plus profond de son oesophage, une fellation rituelle qui doit apaiser la colère du divin Aia Paec.

Puis l'on nous fait circuler tout autour du catafalque, au rythme des incantations rituelles, et je peux mieux distinguer ainsi, les traits du dieu qui gît là, immobile sur le catafalque: c'est un visage pâle, immobile, il semble fondu dans la pierre, il est revêtu d'habits vert forêt, déchirés et maculés de sang, ses yeux sont ouverts, comme s'il vivait encore, il porte un AK45 en bandouillière, je reconnais là, le corps momifié d'un GI de l'armée américaine.



Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes érotique, novembre 2002) © 2002 Jean-Pierre Lapointe
(resources recuillies auprès des cultures Polynésiennes, Incas et Mochicas)


ACTE III