L'appel de mon numéro me tire de mes interrogations lubrico-démentielles. Je me dirige vers le "reception desk" où je remets, d'un
geste instinctif, mon "social identity pass" à la préposée de service.
Sans échanger un seul regard ni un seul mot, elle remplit un
formulaire à feuillets multiples, détache les feuillets rose et bleu
qu'elle me remet, enroulés autour d'un "container" en plastique
portant mon "social identity pass" et mon "biogenic and eugenic
conformity card". Elle m'indique ensuite, sans jamais sortir de son
mutisme fonctionnel, la direction des "cabins" situés à l'écart du
grand hall, là où l'on retrouve également les "phone booths" et les
"public toilets".
C'est là que je devrai, comme je le fais régulièrement, répéter le rituel
de l'ensemencement de cette vulve en matière synthétique qui dégage
un nuage de vapeur translucide; et je ferme les yeux à chaque fois,
tentant d'imaginer les bords sanguinolents d'un vagin qui s'ouvre au
contact de ma verge, qui s'épanouit et qui dégage du miel odorant et
qui se resserre et l'emprisonne à mesure qu'il s'enfonce pour le faire
exploser et gicler toute sa matière visqueuse qui vient mourir tout au
fond du ... puits en matière synthétique.
Cette fois-ci, j'ai fermé les yeux, et pendant que je baisse mon
pantalon, l'image de la belle étrangère remplit mon esprit; je la
déshabille lentement et j'enserre mon membre de mes doigts
impatients; je la regarde avidement tout en activant mon pénis d'un
mouvement de va-et-vient accéléré et régulier.
Elle est là devant moi, sa robe est étalée à ses pieds dégageant ainsi
son beau corps plein de rondeurs sensuelles: ses seins arrondis et
roses comme des melons décorés de papilles chocolatées, son plexus
solaire bombé et luisant comme un tambour, la toison argentée,
comme une forêt en flamme, qui voile à peine l'orifice de sa vulve.
Mes doigts s'agitent sur mon pénis, je m'engouffre en elle, mon
prépus se soulève sous l'action de mes doigts dégageant ainsi le
gland qui se gonfle de sang, mes doigts augmentent le rythme de la
masturbation, ma respiration s'accélère, mon gland tout chargé de
sang s'enfonce et s'enfonce au plus profond de son gouffre vaginal. Je
n'ai pas ouvert les yeux, je la vois et je la sens sous moi pendant que
j'éjacule et que je crois ainsi ensemencer son antre et tout son ventre.
Puis c'est le calme à nouveau. Je referme le "container" de matière
synthétique où repose ma semence. L'image de la belle étrangère s'est
évanouie au moment où j'ai ouvert les yeux.
Je dois courir jusqu'au "bus stop" pour atteindre le bus qui repart
en direction du terminal de la Porte-de-St-Cloud.
Elle est là, la belle étrangère, assise discrètement sur la banquette
avant du bus 73 de la ligne Vincennes-Porte-de-St-Cloud, l'un des derniers survivants qui traverse encore Paris
d'est en ouest.
Je la regarde discrètement, elle me regarde aussi, comme si les
conventions n'interdisaient plus au langage des yeux de violer la
frontière tracée de peinture rouge, la frontière entre toi et moi, entre
nous et les autres occupants assis silencieusement sur les banquettes
du bus 73, de part et d'autre de la ligne rouge qui sépare et protège
et discrimine ainsi les sexes et les âmes.
Il a suffit qu'elle me regarde de son regard espiègle pour que je
renaisse à mon rut de mâle en chaleur. Je n'ai plus à fermer les yeux
pour que les conventions sociales s'évanouissent, que la "fhommelle"
de service, travestie en "policewomen", assise à côté du "driver", ne
nous surveille plus d'un oeil inquisiteur.
Je te regarde et je te vois qui franchit la portière du bus juste après le passage de la porte Maillot à l'arrêt de LaMuette qui jouxte les forêts du Bois de Boulogne, dévastées, infestées de faunes débauchés, de satires sidatiques, de "shemales" brésiliennes; je te
suis comme si je savais que ton regard m'appelait à te suivre pour te
protéger ou te prendre. Je te suis ainsi, à courte distance de sorte que
j'aperçois les boules mouvantes de ton beau cul; elles se moulent sous ta
jupette de coton fleuri; et tu le sais si bien, qui ajuste le rythme de tes
pas aux vibrations de mon corps sur le sol et aux palpitations de mon
coeur. Tu avances ainsi sur le gazon vert, sautillant parfois, d'autres
fois t'arrêtant pour me regarder d'une manière espiègle, t'enfoncer
dans les sous-bois, pour réapparaître plus loin comme si j'étais le
chasseur, et toi, la bête affolée qui faint de ne pas se laisser
débusquer.
Elle a fait semblant de résister au moment où je l'ai attrapée par le
bras. Elle a lancé un petit cri d'animal effarouché puis elle s'est laissé
choir sur le sol lorsque je l'ai poussée, puis je me suis affalé sur elle.
Elle n'a pas protesté, elle semblait pourtant craintive. Elle s'est
ouverte comme une fleur, haletante, elle a dégagé ses seins, relevé sa
jupe, elle a fouillé dans mon pantalon pour dégager mon membre,
elle le manipulait comme pour le briser, nous avons baisé comme si
nous n'avions jamais baisé, instinctivement, comme des animaux et je
me souviens qu'elle a ri et qu'elle a pleuré aussi.
Nous étions enlacés l'un dans l'autre, exténués, mon visage contre
son visage, nos haleines se confondaient, ses jambes étaient relevées
et encerclaient mes hanches, mon membre soulagé reposait toujours
en son ventre, lorsque les "CRS-women" nous ont surpris. Elles
étaient là, penchées au-dessus de nous, l'arme au poingt et l'allure
d'Amazones guerrières, elles nous séparèrent avec violence. On
s'empara de la belle étrangère, on la roua de coups, on la profana en lui enfonçant dans le vagin, une longue et noire matraque, avant de l'amener et de m'amener, moi, séparément d'elle, loin, très loin, au-delà du
périphérique, en direction nord, loin des sinistres banlieues de béton, dans un "social
réhabilitation camp" qui me rappelait les camps de concentration que
j'avais vus, jadis, au cinéma. J'y suis encore, à travailler comme un
forcat et à me confesser sans cesse de mes justes fautes, et de celles qu'on voudrait bien m'imputer, et à prier les nouveaux dieux, pour le
salut de mon âme de mâle amoureux, juste ce qu'il faut pour préserver mes fragiles testicules du supplice de l'ablation, par les terribles inquisiteurs de la conscience sociale.
Le camp portait un nom étrange et difficile à retenir, si ma mémoire
n'est pas défaillante, ça ressemblait à Auschwitz.