Roméo et Juliette.
Acte III d'un conte, qui n'est plus une légende, d'un amour au temps de la copulation industrielle.

image Sorayama

La question qui se pose pour les humains n'est pas
de savoir combien d'entre eux survivront dans le système
mais quel sera le genre d'existence de ceux qui survivront.


(Dune et le messie de Dune, Frank Herbert)



(Ces pages sont destinées aux seules personnes qui s'engagent à en protéger l'accès aux mineurs et autres personnes non-averties en accord avec les lois de leurs pays.
Appuyez pour retourner à la page d'accueil.)

(appuyez ici pour retourner au début du conte ou attendez le chargement des images et des sons)

L'appel de mon numéro me tire de mes interrogations lubrico-démentielles. Je me dirige vers le "reception desk" où je remets, d'un geste instinctif, mon "social identity pass" à la préposée de service. Sans échanger un seul regard ni un seul mot, elle remplit un formulaire à feuillets multiples, détache les feuillets rose et bleu qu'elle me remet, enroulés autour d'un "container" en plastique portant mon "social identity pass" et mon "biogenic and eugenic conformity card". Elle m'indique ensuite, sans jamais sortir de son mutisme fonctionnel, la direction des "cabins" situés à l'écart du grand hall, là où l'on retrouve également les "phone booths" et les "public toilets".

C'est là que je devrai, comme je le fais régulièrement, répéter le rituel de l'ensemencement de cette vulve en matière synthétique qui dégage un nuage de vapeur translucide; et je ferme les yeux à chaque fois, tentant d'imaginer les bords sanguinolents d'un vagin qui s'ouvre au contact de ma verge, qui s'épanouit et qui dégage du miel odorant et qui se resserre et l'emprisonne à mesure qu'il s'enfonce pour le faire exploser et gicler toute sa matière visqueuse qui vient mourir tout au fond du ... puits en matière synthétique.

image Aspiri

Cette fois-ci, j'ai fermé les yeux, et pendant que je baisse mon pantalon, l'image de la belle étrangère remplit mon esprit; je la déshabille lentement et j'enserre mon membre de mes doigts impatients; je la regarde avidement tout en activant mon pénis d'un mouvement de va-et-vient accéléré et régulier.

Elle est là devant moi, sa robe est étalée à ses pieds dégageant ainsi son beau corps plein de rondeurs sensuelles: ses seins arrondis et roses comme des melons décorés de papilles chocolatées, son plexus solaire bombé et luisant comme un tambour, la toison argentée, comme une forêt en flamme, qui voile à peine l'orifice de sa vulve. Mes doigts s'agitent sur mon pénis, je m'engouffre en elle, mon prépus se soulève sous l'action de mes doigts dégageant ainsi le gland qui se gonfle de sang, mes doigts augmentent le rythme de la masturbation, ma respiration s'accélère, mon gland tout chargé de sang s'enfonce et s'enfonce au plus profond de son gouffre vaginal. Je n'ai pas ouvert les yeux, je la vois et je la sens sous moi pendant que j'éjacule et que je crois ainsi ensemencer son antre et tout son ventre.

Puis c'est le calme à nouveau. Je referme le "container" de matière synthétique où repose ma semence. L'image de la belle étrangère s'est évanouie au moment où j'ai ouvert les yeux.

Je dois courir jusqu'au "bus stop" pour atteindre le bus qui repart en direction du terminal de la Porte-de-St-Cloud.

Elle est là, la belle étrangère, assise discrètement sur la banquette avant du bus 73 de la ligne Vincennes-Porte-de-St-Cloud, l'un des derniers survivants qui traverse encore Paris d'est en ouest.

Je la regarde discrètement, elle me regarde aussi, comme si les conventions n'interdisaient plus au langage des yeux de violer la frontière tracée de peinture rouge, la frontière entre toi et moi, entre nous et les autres occupants assis silencieusement sur les banquettes du bus 73, de part et d'autre de la ligne rouge qui sépare et protège et discrimine ainsi les sexes et les âmes.

Il a suffit qu'elle me regarde de son regard espiègle pour que je renaisse à mon rut de mâle en chaleur. Je n'ai plus à fermer les yeux pour que les conventions sociales s'évanouissent, que la "fhommelle" de service, travestie en "policewomen", assise à côté du "driver", ne nous surveille plus d'un oeil inquisiteur.

Je te regarde et je te vois qui franchit la portière du bus juste après le passage de la porte Maillot à l'arrêt de LaMuette qui jouxte les forêts du Bois de Boulogne, dévastées, infestées de faunes débauchés, de satires sidatiques, de "shemales" brésiliennes; je te suis comme si je savais que ton regard m'appelait à te suivre pour te protéger ou te prendre. Je te suis ainsi, à courte distance de sorte que j'aperçois les boules mouvantes de ton beau cul; elles se moulent sous ta jupette de coton fleuri; et tu le sais si bien, qui ajuste le rythme de tes pas aux vibrations de mon corps sur le sol et aux palpitations de mon coeur. Tu avances ainsi sur le gazon vert, sautillant parfois, d'autres fois t'arrêtant pour me regarder d'une manière espiègle, t'enfoncer dans les sous-bois, pour réapparaître plus loin comme si j'étais le chasseur, et toi, la bête affolée qui faint de ne pas se laisser débusquer.
image Sorayama

Elle a fait semblant de résister au moment où je l'ai attrapée par le bras. Elle a lancé un petit cri d'animal effarouché puis elle s'est laissé choir sur le sol lorsque je l'ai poussée, puis je me suis affalé sur elle. Elle n'a pas protesté, elle semblait pourtant craintive. Elle s'est ouverte comme une fleur, haletante, elle a dégagé ses seins, relevé sa jupe, elle a fouillé dans mon pantalon pour dégager mon membre, elle le manipulait comme pour le briser, nous avons baisé comme si nous n'avions jamais baisé, instinctivement, comme des animaux et je me souviens qu'elle a ri et qu'elle a pleuré aussi.
image Vallejo

Nous étions enlacés l'un dans l'autre, exténués, mon visage contre son visage, nos haleines se confondaient, ses jambes étaient relevées et encerclaient mes hanches, mon membre soulagé reposait toujours en son ventre, lorsque les "CRS-women" nous ont surpris. Elles étaient là, penchées au-dessus de nous, l'arme au poingt et l'allure d'Amazones guerrières, elles nous séparèrent avec violence. On s'empara de la belle étrangère, on la roua de coups, on la profana en lui enfonçant dans le vagin, une longue et noire matraque, avant de l'amener et de m'amener, moi, séparément d'elle, loin, très loin, au-delà du périphérique, en direction nord, loin des sinistres banlieues de béton, dans un "social réhabilitation camp" qui me rappelait les camps de concentration que j'avais vus, jadis, au cinéma. J'y suis encore, à travailler comme un forcat et à me confesser sans cesse de mes justes fautes, et de celles qu'on voudrait bien m'imputer, et à prier les nouveaux dieux, pour le salut de mon âme de mâle amoureux, juste ce qu'il faut pour préserver mes fragiles testicules du supplice de l'ablation, par les terribles inquisiteurs de la conscience sociale.

Le camp portait un nom étrange et difficile à retenir, si ma mémoire n'est pas défaillante, ça ressemblait à Auschwitz.


Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes et légendes, décembre 2000) © 2000 Jean-Pierre Lapointe
Trame sonore empruntée aux archives du Web:


Envoyez une envoyez une carte postale à x@hotmail.com Carte Postale


RETOUR AU CHOIX DES ITINÉRAIRES