Le ventre sacré de la Reine-vierge Hatshepsout
Acte III d'un conte érotique en trois actes ayant pour scène l'Egypte antique
"Certes, divine est cette fille du dieu
et ce sont les dieux qui combattent pour elle
et qui lancent leur fluide derrière elle chaque jour,
comme l'a ordonné son père, maître des dieux."
Devant moi, sur la paroi à moitié illuminée, entourée de princesses royales lui
faisant des libations, elle est là, Hatchepsout, ma Reine, drapée dans ses
vêtements de guerrière, portant la tiare, la crosse et le fouet, étrange et
fière dans ses attributs de pharaon, le visage royonnant, me fixant d'un regard
outrageant et semblant me dire comme une mère à son fils égaré:
- "te voilà enfin?".
Je m'approche de la paroi pour que la lumière puisse englober, tout entier, le
corps somptueux de ma Reine sculpté en relief dans la pierre peinte en teintes
polychromiques sur les parois de la chambre funéraire, ma Reine, dont le beau
corps momifié doit reposer là, sur le sol, dans le sarcophage de granit poli sur
lequel sont incrustés de mystérieux hiéroglyphes, des images de divinités et de
génies venus de l'enfer, éveillés, pour qu'Elle renaîsse.
Comme Elle est belle, ma Reine, derrière cet attirail de mâle, belle derrière
son allure de guerrière, femme derrière son simulacre d'homme. Moi qui
angoissait à l'idée d'être prisonnier de la montagne, que je me sens heureux
maintenant, d'être prisonnier de Sa tombe!
Belle Dame dont le corps est meurtri d'une étrange cicatrice qui court sur la
paroi rocheuse et qui traverse tout son corps, cicatrice qui vient mourir dans
l'ouverture béante de sa vulve divine:
- "laisse-moi, oh laisse-moi, belle Reine, entrer dans cette caverne mystérieuse
qui m'attire et m'aspire en Toi, comme un gouffre sans fin vers la liberté ou la
mort avec Toi!"
Puis le beau corps de ma Reine s'agite sous la lumière qui vacille, je
m'approche plus près de ma Belle comme pour la toucher et pour moduler mes sens
aux mouvements de son corps sur la paroi:
- "belle reine qui renaît de ce profond sommeil, que tu es belle derrière ton
masque de guerrière; je t'en prie, dégage ton beau corps de ces armures
inutiles, dénude-toi de ta parure d'androgyne et laisse-moi voir ce corps dans
toute sa nudité féminine, laisse-moi voir les diadèmes royaux de tes seins
enfantins, permet que je dépose ma tête sur la douce pente de ton ventre lisse,
découvre-moi les trésors cachés au plus profond de ton gouffre utérin;
laisse-moi t'aimer, ma Reine, et aime-moi pour qu'ainsi je renaisse à la liberté
charnelle, laisse-moi m'asseoir en Toi et te posséder comme l'a fait Amen-Ra,
ton amant divin, ouvre ta vulve à mon organe, laisse-moi y pénétrer pour
découvrir l'autre côté des choses, permets que je m'évade tout entier en ton
sein, que je m'oublie en Toi; comme une mère couve son fils, le nourrit, le
protège et le fait renaître à la vie, mère nourricière, laisse-moi reposer en
ton ventre, laisse ton fils se nourrir à ton sein, laisse-moi m'abreuver de ton
suc, me noyer dans ton placenta maternel, laisse-moi, belle Reine, survivre en
ton sein."
Alors que je touche à la paroi et que j'explore la profondeur de la fissure dans
le roc, l'image de ma Reine se dénude soudainement, ses vêtements d'homme
s'évaporent sous mes yeux et le corps somptueux de ma Reine m'apparaît dans
toute sa nudité féminine. Je caresse la paroi rocheuse et je sens très bien, au
bout de mes doigts, le frémissement de la paroi, la douce chaleur d'un corps
féminin qui tressaille; mes sens s'agitent et mon pénis s'enflamme, il s'égaie
puis il se durcit et s'étire alors que la fissure dans le roc s'élargit pour
découvrir le gouffre invitant de ma Reine, l'utérus divin qui s'épanouit comme
une douce invitation à la communion charnelle.
Et je m'engouffre en son gouffre, mon pénis ouvrant la voie à mon corps tout
entier, je m'enfonce profondément dans la fissure qui s'élargit comme une vulve
géante au contact de ma chair vive. Puis c'est la pénombre à nouveau, la lumière
de la torche laissée sur le sol, laisse passer qu'une faible lueur par la
fissure qui se referme sur mon corps prisonnier de la paroi rocheuse et ainsi,
prisonnier du ventre de ma divine Reine. Je suis euphorique, hors du temps et de
l'espace. Mon corps est en position foetale, il se met à tournoyer lentement, surnageant à peine dans un
visqueux placenta. Tous mes sens s'agitent, à toucher les chairs malléables qui
m'enveloppent, à goûter à ces liqueurs sucrées dans lesquelles je surnage à
peine, à entendre les plaintes sourdes qui accompagnent le plaisir reçu, à
éprouver l'orgasme suite au plaisir donné. Je suis au paradis, serait-ce ainsi
que j'imagine la mort en mon corps et l'amour en mon âme?
Des lèvres sensuelles caressaient mes chairs, suçaient tout mon corps,
s'empalaient à mon pénis endolori, léchaient mon visage, j'ai ouvert les yeux.
Des brebis agitées m'entouraient et me piétinaient.
Je n'ai pu mesurer le temps passé mais le soleil réchauffait déjà le sol
poussiéreux au pied de la falaise; je reposais là, couché sur le dos, nu, face à
la falaise, comme si je venais tout juste de traverser la paroi rocheuse et que
je m'étais effondré là, regardant ces cicatrices dans la pierre, des lèvres
rougeâtres comme les lèvres d'un vagin surexcité par l'orgasme, elles se refermaient lentement sur la falaise, laissant s'échapper une liqueur blanchâtre dont la texture et l'odeur m'étaient
si familières.
Les brebis s'écartèrent et je la vis devant moi, petite bergère, elle scrutait
de son regard noir mon corps nu étalé sans pudeur au pied de la falaise. Elle
déposa sur moi, une djellaba que je m'empressai de revêtir, puis elle me prit
par la main et elle me conduisit, comme on conduit un aveugle, tout au bas de la
falaise, franchissant les dalles antiques, les colonnades scintillantes, les
rampes de terre battue et les trois terrasses du temple Deir-el-Bahari, au fond
du ouadi sur les chemins poussiéreux, jusqu'à une maison de fortune enfouie
dans le sol de la nécropole des rois thébains, bien avant d'atteindre le village
d'El Bournah.
Elle s'approcha de moi, c'était sans doute sa mère. Elle s'appuya sur moi et
dégagea doucement ma djellaba, elle releva sa longue robe de crin noir puis en
guidant mon pénis, je m'engouffrai en elle; la jeune bergère me tenait toujours
affectueusement la main et pendant que je jouissais, j'étais certain que je
m'épandais dans le ventre divin d'une vierge, le ventre sacré de la Reine-vierge
Hatchepsout.
Marco Polo ou le voyage imaginaire (Contes et légendes érotiques, novembre 2002) © 2002 Jean-Pierre Lapointe
(hommage à la reine Hatshepsout d'après Hajime)
Envoyez une Carte Postale