Chant XXXI de l'Enfer
Les géants enfouis de Manhattan.
Whom who speaks is Uncle Sam.
Oh, say can you see by the dawn's early light
Una medesma lingua pria mi morse, sì che mi tinse l'una e l'altra guancia, e poi la medicina mi riporse; così od'io che solea far la lancia d'Achille e del suo padre esser cagione prima di trista e poi di buona mancia. Noi demmo il dosso al misero vallone su per la ripa che 'l cinge dintorno, attraversando sanza alcun sermone. Quiv'era men che notte e men che giorno, sì che 'l viso m'andava innanzi poco; ma io senti' sonare un alto corno,
Nous tournâmes le dos à la vallée de misère, puis, montant sur la digue qui l'entoure de tous les côtés, nous la traversâmes, sans prononcer un mot. C'était le crépuscule, et j'entendis un murmure puissant qui semblait venir du grognement de plusieurs bêtes en fureur. J'avais à peine tourné la tête de ce côté que je vis ce qui me semblait être de hautes tours; Aussi je demandai: "Dis-moi, Baudelaire, quelle est donc là-bas cette ville qui profile ses hautes tours?" Il me répondit: "Ton imagination est perturbée parce que tu n'as pas la capacité de pénétrer loin dans les ténèbres, lorsque tu seras plus près tu verras combien tes sens t'ont trompé, aussi presse-toi un peu plus." Puis il me prit affectueusement par la main et me dit: "Avant que nous abordions cet endroit et pour que ce lieu te paraisse moins étrange je t'apprends que ce ne sont pas des tours, mais bien des géants qui reposent dans la plaine au centre de Manhattan et, ils y sont enfouis du coccyx jusques en bas." De même que l'on distingue un peu plus les choses lorsque le brouillard se dissipe, ainsi, en m'approchant et en perçant l'atmosphère épaisse et sombre, mon erreur disparaissait et la terreur s'emparait de moi. Comme à Babylone la ziggourat E-Temen-An-Ki provoque le ciel, ainsi sur Manhattan se dressaient, telles de hautes tours enfouies dans le sol jusqu'à moitié du corps, les géants horribles qui défient encore en tonnant, l'impérialisme de Jupiter-Mardouk. Il ne faut pas blâmer la nature d'avoir ainsi renoncé à l'art de fabriquer de tels animaux, et cela peut sembler plus juste et plus prudent de s'être limité à engendrer des éléphants et des baleines. Si en plus de la puissance et de la méchanceté s'ajoutent les facultés de l'esprit, alors, l'homme n'a plus de défense contre de tels animaux, et Nemrod peut profiter à son aise de tels exécutants. Sa face me paraissait aussi imposante et aussi massive que le Pentagone et ses autres membres étaient en proportion. "Whom who speaks is Uncle Sam." Commença à crier l'effroyable bouche à laquelle ne conviennent point d'hymnes plus doux. Et il continua ainsi: Oh, say can you see by the dawn's early light What so proudly we hail'd at the twilight's last gleaming, Whose broad stripes and bright stars through the perilous fight O'er the ramparts we watch'd were so gallantly streaming? And the rockets' red glare, the bombs bursting in aire, Gave proof through the night that our flag was still there. Oh, say does that star-spangled banner yet wave O'er the land of the free and the home of the brave? On the shore dimly seen through the mists of the deep, Where the foe's haughty host in dread silence reposes, What is that which the breeze, o'er the towering steep, As it fitfully blows, half conceals, half discloses? Now it catches the gleam of the morning's first beam, In full glory reflected now shines in the stream. 'Tis the star-spangled banner, oh, long may it wave O,er the land of the free and tho home of the brave! And where is that band who so vauntingly swore That the havoc of war and the battle's confusion A home and a country should leave us no more? Their blood has wash'd out their foul footstep's pollution. No refuge could save the hireling and slave From the terror of flight or the gloom of the grave, And the star-spangled banner in triumph doth wave O'er the land of the free and the home of the brave. Oh, thus be it ever when freemen shall stand Between their lov'd home and the war's desolation! blest with vict'ru and peace may the heav'n-resuced land Praise the power that hath made and preserv'd then conquer we must, when our cause it is just, And this be our motto, "In God is our Trust," And the star-spangled banner in triumph shall wave O'er the land of the free and the home of the brave. Mon guide lui répondit: "Âme dominatrice, tiens-t'en à ton arme, et retourne-là contre toi-même quand s'empare de toi la colère ou toute autre tare! Cherche à ton ventre et tu trouveras la ceinture qui la tient attachée, ô âme confuse, vois comme elle cherche où est ton coeur!" Puis se retournant vers moi, il me dit à voix basse: "Il se glorifie lui-même; c'est le nouveau Nemrod dont la pensée mauvaise est cause qu'un langage unique est en usage sur la terre. Laissons-le là et ne parlons pas inutilement; car tous les langages, autres que le sien, lui sont incompréhensibles." Nous poursuivîmes plus loin notre route, tournant vers la gauche, et, à une portée de fusil, nous trouvâmes un autre géant plus farouche et plus grand. Quel fut le Puissant qui le lia, je ne saurais le dire, mais il avait les deux bras ligotés derrière son dos du cou jusques en bas, par une chaîne qui s'enroulait plusieurs fois autour de son tronc. "C'est la récompense qu'il reçut cet Impérialiste, qui voulut user de sa force contre le souverain Jupiter". Il a nom America et il fit ses grandes preuves quand les géants tentèrent de faire peur à Dieu; les bras qu'il agita alors, jamais plus il ne les remuera." Et je dis à mon maître: "Je voudrais, si cela est possible, voir Lincoln, celui qui vit là-bas toujours assis." Et il me répondit: "Tu verras Jefferson qui est plus près d'ici: Il parle et il n'est ni enchaîné ni enterré, c'est lui qui nous déposera là où s'entassent tous les péchés. Lincoln, que tu veux voir, est beaucoup plus loin; il fait semblant d'être méchant, sauf qu'il est impuissant." Jamais tremblement de terre ne fut si violent, qui secouât les tours jumelles du WTC avec autant de force que n'en mit America à se secouer brusquement lui-même. Alors je craignis la mort plus que jamais auparavant, et je remerciais le ciel d'avoir permis que l'éléphant soit ainsi enchaîné devant la souris que j'étais. Au loin je voyais la grande dame Liberty qui regardait tout cela et qui nous rassurait en nous éclairant d'un vent de liberté. Nous poursuivîmes ensuite notre chemin plus avant, et nous arrivâmes à Jefferson qui avait l'esprit tel, qu'il dépassait largement tous les autres: "Ô, toi qui subjuguas le Sud et inventas le Nord et fis qu'on impose aujourd'hui la Pax Americana et qu'on propage la culture des fils d'Israël, dépose-nous en bas, et ne dédaigne point de le faire, là où le Cocyte est gelé dans la glace, et ne te trompe pas de direction nous qui n'avons d'autre recours, car ici, God is American!" Telle paraît la Tour de Pise, qui penche dangereusement d'un côté; ainsi me parut Jefferson lorsqu'il s'inclina pour nous prendre, et ce fut le moment où j'aurais bien voulu être ailleurs. Alors m'apparut, sous l'une des hautes tours, une autre tour légèrement plus petite qui avait des attributs de femme, j'en restai tout ébahi et un peu rassuré de savoir que ce monde vulgaire entretenait tout de même la beauté, et j'aurais bien voulu que ce soit Marylene qui me transporte sur son sein et m'amène avec tendresse jusqu'à l'autre cercle. Mais ce fut l'autre qui légèrement nous déposa, dans l'abîme, là où se consument Lucifer, Judas et Bush; il ne resta que peu de temps ainsi incliné, et il se redressa comme un mât sur un navire.
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: musique New Age (storm in Africa), empruntée aux Archives du Web.
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