Chant X de l'Enfer
Le cimetière des fanatiques.
La vallée de Josaphat.
Ora sen va per un secreto calle, tra 'l muro de la terra e li martìri, lo mio maestro, e io dopo le spalle. «O virtù somma, che per li empi giri mi volvi», cominciai, «com'a te piace, parlami, e sodisfammi a' miei disiri. La gente che per li sepolcri giace potrebbesi veder? già son levati tutt'i coperchi, e nessun guardia face». E quelli a me: «Tutti saran serrati quando di Iosafàt qui torneranno coi corpi che là sù hanno lasciati.
Maintenant, mon maître s'en va par un sentier caché, entre la muraille de la cité et les tombes des suppliciés, et je marche derrière lui. "Ô sublime vertu qui me conduit par les cercles impies, parle-moi et contente mes désirs comme il te plaira! Pourrait-on voir les gens qui gisent dans les sépultures? Tous les couvercles sont déjà levés et personne ne monte la garde." Il me répondit: "Tous seront fermés quand ils reviendront ici de la vallée de Josaphat, avec les corps qu'ils ont laissés là-haut. Ici se trouve le cimetière de ceux dont l'âme meurt avec le corps et là, ceux dont l'âme ne sera plus la même car ils croient qu'après leur mort, elle se disperse en une âme universelle; n'est-ce pas ainsi que tu crois mon cher Marco?" Pendant que je réfléchissais, j'entendis prononcer des mots provenant de l'une des tombes: "He, who goes by the city of fire, still breathing talking with such elegance an other langage than mine, please come close by. Your langage make me understand, you come from this country which is my home, and that, you seem so cruel for her. Are you also Red and from my party?" "J'entends à ton accent que tu es de l'autre peuple mais du même pays que le mien. Galganov tu es sans doute, mal-aimé et personnage perfide; sache que je ne suis ni rouge ni bleu mais d'aucun parti ni du tien ni de celui des miens, et, bien que mes critiques soient acerbes envers les miens, dis-toi bien que cela ne signifie d'aucune façon que je fais ainsi un choix entre leur façon et la tienne. Je les châtie autant que je les aime. Et je ne voudrais pas que tu croies que tu serais préservé de mon châtiment si j'étais l'un des tiens." Et il me répondit: "But as true as you will return in the mild world, tell me: why your people is always so cruel to my people in each of its laws?" Alors je lui répondis: "Ne crois pas que mon peuple est le seul à user de partialité dans ses lois envers l'autre peuple, si tant est que, si tu ouvrais les yeux tu verrais qu'il en est ainsi chez les tiens. Mais puisque tu détiens la force, tu perçois comme un bris de liberté venant du faible, ce que tu considères, de la part de ton peuple qui est fort, comme un bien de civilisation envers le plus faible. Ainsi, tu comprendras pourquoi je ne saurais être ni de ton camp ni de ceux des miens parce que je ne suis d'aucun camp qui brime la liberté mais de toutes les civilisations. Je ne saurais dire à ta place la raison qui fait que ton peuple agit comme il le fait, mais je sais dire la raison qui fait que mon peuple agit ainsi: La défaite qui colora en rouge l'humus de ce champ de bataille, meuble toujours le cantique de ses prières; et plutôt que d'affronter l'avenir et se donner des ailes, la crainte de l'ouverture devient le motif politique qui le guide; le parti bleu qui lui dit le mener à la liberté, n'entretiens que l'idée de lui couper les ailes. On peut aider le peuple à choisir entre l'une et l'autre option et si l'on ne sait utiliser l'art de la persuasion, aller jusqu'à lui prédire la catastrophe, souhaiter la catastrophe et même la provoquer un peu pour influencer l'opinion et pouvoir dire: "Je vous l'avais bien dit" si la catastrophe venait à se produire. Mais la seule liberté en laquelle il faut croire est celle de l'Individu, l'autre qui privilégie le peuple n'est qu'une douce prison." Et déjà mon maître me rappelait; aussi je priai cet esprit, en plus grande hâte, de me dire qui étaient ses compagnons. Il me répondit: "With almost a thousand of us, I am lying here: Richter, Libman, Johnson, Mat Coon Come and alls, they are all here, suburbians and many others; and from where you came from, I am telling it to you "off record", the day of revenge is near by and that "warriors" are training since the birth of this colony, ready for any Golf War that we Anglos decide to be." Il disparut ensuite; et moi, je dirigeai mes pas vers le poète, en réfléchissant à ces paroles qui m'avaient paru de fâcheux augures. Et je pensais que j'aurais dû éviter cette rencontre et m'en tenir à ma solitude. Mon maître se mit en marche; et tout en allant, il me dit: "Ne sois point si inquiet des drames qui ne concernent que les vifs. Quand tu seras devant le doux regard de Celle dont les beaux yeux peuvent tout voir, tu sauras apprendre d'Elle, tout le voyage de ta vie." Après quoi il dirigea ses pas vers la gauche; nous quittâmes les murailles et pénétrâmes au milieu par un sentier qui conduit à une vallée qui, jusque là-haut, était en pente et fatiguait bien autre chose que l'Esprit.
Marco Polo ou le voyage imaginaire (La tragédie humaine, janvier 2000) © 1999 Jean-Pierre Lapointe
Theme musical: la Vierge de Messiaen, emprunté aux Classical Midi Archives.
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