L'Art d'aimer d'Ovide.
Livre Premier: deuxième chapitre

l'art d'aimer
Les moyens de plaire à ta belle.



Préambule
L'Art doit gouverner l'Amour
S'il quelqu'un, quelque part, ne connaît rien de l'Amour, 
qu'il lise ce poème, et qu'il soit instruit ainsi de l'Art d'Aimer.
Ce n'est pas l'inspiration des divinités 
qui me dicte ce poème, mais bien l'expérience.
Écoute alors ce poète instruit par la pratique;
je ne te chanterai que la vérité qui est la mère de l'Amour.

(Ces pages sont destinées aux seules personnes qui s'engagent à en protéger l'accès aux mineurs et autres personnes non-averties en accord avec les lois de leurs pays.
Appuyez pour retourner à la page d'accueil.)

(La pleine jouissance de ce moment d'extase sexuelle est conditionnelle au chargement complet des images et des sons et l'activation des pop-up.)


l'art d'aimer
Voici quelques moyens de plaire à ta belle:
Maintenant que tu sais où choisir l'objet de ton amour, où tendre tes filets, 
   je voudrais t'indiquer les moyens de captiver celle qui a su te plaire, 
   c'est l'objet le plus important de mon traité. 
Écoute-moi attentivement et que mes promesses trouvent en toi, un auditoire recueilli. 


Ais confiance en toi:
Sois persuadé avant tout, que toutes les femmes peuvent être prises: 
Tends seulement tes filets et tu sauras les prendre.
Si l'homme ne prenait pas l'initiative de faire les avances, la femme, vaincue, 
   prendrait bientôt sur elle de les faire; il en est ainsi chez certains animaux  
   où c'est la femelle qui fait les préliminaires à l'accouplement. 
La passion est plus ardente et plus folle chez la femme que chez l'homme. 
N'hésite pas,  et espère pouvoir triompher de toutes les femmes; 
   il y en aura à peine une sur mille a vouloir te résister.
Qu'elles cèdent ou qu'elles résistent, elles adorent qu'on leur fasse la cour; 
   et si elle te cache son sein, l'échec sera pour toi un moindre mal. 
Mais pourquoi penser être repoussé, quand il y a tant de plaisir à une volupté nouvelle, 
   et que l'on est plus séduit par ce qu'on n'a pas que par ce qu'on a? 
La moisson est toujours plus riche dans la maison d'autrui, 
   et le troupeau du voisin a les mamelles plus juteuses.


Assure-toi de la complicité de l'amie de ta belle:
Lie connaissance avec l'amie de la femme que tu veux séduire,
   tu dois t'y employer, c'est elle qui te facilitera les premiers pas.
Assure-toi jusqu'où vont ses confidences avec son amie,  
   et de l'assurance et la discrétion qu'elle aura pour tes amours.
Afin de la gagner, emploie les promesses, emploie les prières; 
   ce que tu demandes, il lui sera facile de te le procurer, si elle le veut. 
Elle choisira le moment favorable où l'âme de son amie 
   est la mieux disposée et prête à la séduction.
Cette âme se prêtera d'autant à la séduction qu'elle sera épanouie d'allégresse, 
   comme la moisson l'est dans un champ fertile.
Quand le coeur est joyeux, quand il n'est pas chargé de douleur, 
   il s'ouvre de lui-même; alors l'amour peut s'y glisser.
Il faut également attaquer la belle lorsque l'affront d'avoir une rivale 
   provoquera son ressentiment; alors tu travailleras à ce qu'elle ne reste pas sans vengeance.
Tu me demandes s'il est utile de séduire aussi l'amie? C'est une pratique bien chanceuse; 
   l'une, pour t'avoir accordé ses faveurs, sera plus zélée, une autre sera moins active; 
   l'une t'aidera à devenir l'amant de sa confidente, l'autre l'amant d'elle-même. 
Le succès sera toujours hasardeux, même s'il doit te rendre plus audacieux, 
   mon avis serait que tu t'abstiennes. 
Si pourtant l'amie quand elle donne ou raçoit un cadeau, te plaît par sa beauté 
   autant que par son zèle, assure-toi de posséder d'abord la maîtresse, et que l'amie vienne ensuite; 
   mais ton tribut à l'Amour ne doit point commencer par elle.
   

Les circonstances favorables pour l'attaque:
Il n'est pas toujours sûr de s'attaquer à une tendre beauté; 
   souvent, on réussira plus ou moins bien selon le moment choisi. 
Prends note de l'anniversaire de ta maîtresse, et que le jour 
   où il faudra lui faire un cadeau, ne soit  point néfaste à tes yeux.
Tu auras beau te défendre, elle saura t'arracher quelque chose,
   la femme connaît l'art de s'approprier l'argent d'un amant passionné.
Les femmes te demanderont souvent de leur laisser quelque chose, soi-disant,
   qu'elles te rondront plus tard; mais elles ne veulent pas rendre, ce que tu auras donné; 
   autant de perdu pour toi, sans que l'on te sache gré de ta perte. 
Non vraiment, si je voulais énumérer tous les abominables artifices des courtisanes, 
   dix bouches et autant de langues ne me suffiraient pas.


Use des lettres et des paroles:
Que l'encre sur le papier soit la première confidente de tes intentions. 
Qu'elle dise des compliments, des mots qui transpirent l'amour; quel que soit ton rang, 
    ajoute des prières plus que tièdes. 
Fais des promesses, cela ne coûte rien; tout le monde peut être riche en promesses. 
L'espérance, du moment qu'on y ajoute foi, dure longtemps: 
   c'est une déesse trompeuse, mais bien utile. 
Si tu as fait quelque cadeau que tu n'as pas fait, tu peux sembler toujours sur le point de le faire. 
Le point difficile, le travail délicat, c'est d'obtenir les premières faveurs 
   sans avoir fait de présent: pour n'avoir pas accordé par pure bienveillance 
   ce qu'elle a accordé, la belle accordera plus encore. 
Étudie les arts libéraux, je te le conseille, non pour défendre l'accusé tremblant; 
   aussi bien que le juge, la femme, vaincue, rendra les armes à ton éloquence. 
Mais cache tes moyens et n'étale pas ta faconde. 
Supprime de tes paroles toute expression pédante. 
Il ne faut point adresser toute une déclamation à ta tendre amie. 
Souvent une lettre a puissamment contribué à en faire détester l'auteur. 
Que ton style soit naturel, tes mots usuels, mais tendres, si bien que l'on croie t'entendre parler. 
Si elle refuse ton billet et le renvoie sans le lire, espère qu'elle le lira et persiste. 
Fais en sorte qu'elle lise jusqu'au bout tes phrases tendres. 
Après avoir voulu les lire, elle voudra répondre à ce qu'elle aura lu:
   tout ce que tu désires viendra en son ordre et par degrés. 
Peut-être recevras-tu d'abord une lettre de mauvais augure, 
   où elle te demandera de cesser tes poursuites: 
   ce qu'elle te demande, elle craint de l'obtenir; ce qu'elle ne demande pas, elle le souhaite, 
   je veux dire que tu sois plus pressant; poursuis et bientôt tu verras tes voeux accomplis.


Profite des occasions de la séduire:
Cependant, si ta belle se fait transporter allongée dans un carosse, approche-toi d'elle 
   comme par hasard, et, pour éviter que l'oreille d'un fâcheux ne recueille tes paroles,
   autant que possible explique-toi par des signes à double entendement. 
Si c'est un vaste portique que parcourt, à pied, sa promenade oisive, 
   là aussi associe ta flânerie à la sienne. 
Arrange-toi pour marcher tantôt devant elle et tantôt derrière, 
   tantôt pour précipiter ta marche, tantôt pour la ralentir.
Et tu ne craindras pas d'avancer durant quelque temps en dehors des colonnes 
   ou de marcher tout contre elle. 
Ne souffre pas que, sans toi, elle aille, dant tout l'éclat de sa beauté,
   s'asseoir sur les gradins semi-circulaires du théâtre: 
   un spectacle te sera offert pas ses épaules, tu pourras la regarder, tu pourras l'admirer,
   tu pourras lui dire mille choses par le mouvement des sourcils, mille choses par des gestes. 
Se lève-t-elle, lève-toi; tant qu'elle reste assise, reste assis; 
   suivant la volonté de ta maîtresse, sache perdre ainsi ton temps.
l'art d'aimer
La tenue qui sied pour lui plaire:
Une beauté sans apprêt sied aux hommes. 
C'est par la simple élégance que doivent plaire les hommes: 
   que ta peau soit hâlée par les exercices au terrain de sport; 
   que ton veston t'aille bien et n'ait pas de taches. 
   que ta chaussure soit bien correctement nouée; que les agrafes n'en soient pas rouillées. 
Que ton pied ne nage pas dans un soulier trop large; 
   qu'une coupe maladroite n'enlaidisse pas et ne hérisse pas ta chevelure; 
   que tes cheveux, que ta barbe soient taillés par une main experte, 
   que tes ongles soient propres et bien coupés, 
   qu'aucun poil ne se dresse dans tes narines; 
   qu'une haleine désagréable ne sorte pas de ta bouche, 
   et que l'odeur du mâle, père du troupeau, ne blesse pas les narines. 
Tout le reste, abandonne-le soit aux jeunes filles lascives, soit aux hommes qui, 
   contre nature, cherchent l'amour d'un homme.


Profite de la chaleur du vin:
Si une femme est ta voisine à table, prie Bacchus de ne pas permettre que le vin te porte à la tête. 
Alors tu pourras, à mots couverts, dire mille choses que ta voisine sentira dites pour elle, 
   tracer discrètement de tendres signes avec un peu de vin, 
   pour qu'elle lise sur la table qu'elle est maîtresse de ton coeur,
   et la fixer dans les yeux avec des yeux qui avouent ta flamme. 
Souvent un visage muet a une voix et un verbe plus éloquents. 
Tâche de t'emparer le premier de la coupe qu'auront touchée ses lèvres charmantes, 
   et du côté où elle aura bu, bois aussi. 
Tous les mets que ses doigts ont effleurés, prends-en également et effleure sa main en les prenant.
Ne dédaigne pas de plaire également à l'amant de ta belle; il te sera plus utile s'il devient ton ami. 
Si le sort t'accorde la royauté du festin, cède-lui cette royauté 
   donne-lui la couronne posée sur ta tête; même s'il est ton inférieur ou ton égal, 
   laisse-le se servir avant toi et ne néglige pas d'approuver ce qu'il dit. 
C'est un moyen sûr et fréquent de tromper en feignant l'amitié, mais, bien que coupable, 
   ce moyen est  fréquent et toujours efficace. 
Voici la juste mesure à conserver tout en buvant.
Que ton intelligence et tes pieds restent à même de remplir leur office. 
Évite surtout les discussions qu'anime le vin et la trop grande propension aux combats cruels.
Chante si tu as de la voix; danse, si tes bras sont gracieux; plais, si tu as d'autres moyens de plaire. 
L'ivresse, si elle est véritable, te fera du tort; si elle est feinte, elle peut t'être utile.
Emploie-toi à prononcer, en hésitant, des mots balbutiés, pour que toutes tes actions 
   ou tes paroles un peu hardies soient attribuées à des libations trop copieuses.
N'hésite pas à dire: 
   "Bonne santé à celle que j'aime; bonne santé à celui qui partage sa couche", 
   tout en souhaitant intérieurement 
   "Que meure l'amant de celle que j'aime".


Ne lésine pas sur les compliments:
Lorsque les convives quitteront la table, la foule te fournira le moyen 
   et l'occasion d'approcher ta belle. 
Faufile-toi dans la foule, glisse-toi près d'elle pendant qu'elle s'en va, 
   pince sa taille de tes doigts et touche son pied de ton pied. 
Voici le moment de l'entretenir, laisse fuir toute Pudeur incensée. 
Ce n'est que d'audace que se livre l'Amour. 
Il te faut jouer l'amant, et, dans tes paroles, te donner les apparences d'être blessé d'amour; 
   ne néglige aucun moyen  pour l'en persuader. 
Et il n'est pas difficile d'être cru: toute femme se juge digne d'être aimée; 
   si laide soit-elle, il n'en est aucune qui ne se trouve bien. 
Souvent d'ailleurs celui qui faisait semblant commence à aimer réellement, 
   souvent il devient réellement ce qu'au début il feignait d'être. 
Aussi, jeunes beautés, montrez-vous indulgentes pour les apparences; il deviendra réel, 
   l'amour qui tout à l'heure était feint.
C'est le moment de gagner furtivement le coeur par des mots caressants; 
N'hésite pas à louer son visage, ses cheveux, ses doigts fuselés et  son pied mignon.
C'est un plaisir pour les plus chastes que d'entendre faire l'éloge de leurs attraits: 
   même les vierges soignent et aiment leurs attraits.


Et les promesses qui n'engagent à rien:
Et promets hardiment: ce sont les promesses qui entraînent les femmes;
   prends tous les dieux à témoin de tes engagements.


Use des larmes, des baisers, et de la hardiesse:
Les larmes également sont utiles: avec des larmes tu amollirais le diamant. 
Tâche que ta bien-aimée voie, si tu peux, tes joues humides. 
Si les larmes te font défaut, mouille-toi les yeux avec la main.
Quel est l'homme expérimenté qui ne mêlerait pas les baisers aux paroles d'amour? 
Même si elle ne les rend pas, prends-les sans qu'elle les rende. 
D'abord elle résistera peut-être et t'appellera  
   "insolent"; 
   tout en résistant, elle désirera d'être vaincue. 
Mais ne va pas lui faire mal par des baisers maladroits sur ses lèvres délicates, 
   et garde bien qu'elle puisse se plaindre de ta rudesse. 
Prendre un baiser et ne pas prendre le reste, c'est mériter de perdre même les faveurs accordées! 
Qu'attendais-tu, après un baiser, pour réaliser tous tes voeux? 
Hélas! tu as fait preuve de manque d'usage, et non de retenue. 
C'aurait été de la violence, dis-tu; mais cette violence est agréable aux femmes; 
   ce qu'elles aiment à donner, souvent elles veulent l'accorder malgré elles. 
Une femme, prise de force brusquement par un vol amoureux, s'en réjouit: 
   cette insolence vaut pour elle un présent. 
Mais celle que l'on pouvait forcer, et qui se retire intacte, 
   peut bien affecter la joie sur son visage; elle sera triste. 
La pudeur interdit à la femme de provoquer certaines caresses, mais il lui est agréable 
   de les recevoir quand un autre en prend l'initiative. 
Oui! un homme compte trop sur ses avantages physiques, 
   s'il attend que la femme commence à faire les avances. 
C'est à l'homme de commencer, à l'homme de dire les mots qui prient, 
   à elle de bien accueillir les prières d'amour. 
Veux-tu la prendre? Demande. Elle ne désire que cette demande.
Explique la cause et l'origine de ton amour. 
Si tes prières se heurtent à l'éloignement d'un orgueil dédaigneux, 
   ne va pas plus loin et bats en retraite. 
Combien désirent ce qui leur échappe et détestent ce qui est à leur portée! 
Sois moins pressant, tu ne seras plus repoussé. 
Et l'espoir d'arriver à tes fins ne doit pas toujours apparaître dans tes demandes; 
   pour faire pénétrer ton amour, cache-le sous le voile de l'amitié. 
J'ai vu des beautés farouches être dupes de ce manège: leur courtisan était devenu leur amant.


La pâleur du teint:
Si ta peau est blanche, on en sera choqué. 
Mais tout amant doit être pâle; c'est le teint qui convient à l'amant.
Bien des gens pourraient croire que cela n'a jamais servi à rien.
Le corps maigrit par les veilles, les soucis, et la douleur qu'engendre un violent amour. 
Pour voir tes voeux couronnés, inspire la pitié, afin qu'en t'apercevant on dise aussitôt:
   "Il est amoureux."


Ne fais aucune confidence à quiconque:
On ne peut sans danger faire à son ami l'éloge de celle qu'on aime. 
S'il croit à tes éloges, aussitôt il te supplante. 
Rien ne plaît que ce qui est honteux; chacun ne pense qu'à son plaisir, 
   et même celui que procure la douleur d'autrui a son charme. 
Quel scandale! ce n'est pas un ennemi que doit craindre un amant. 
Fuis ceux que tu crois fidèles, tu seras à l'abri du danger. 
Un parent, un frère, un ami cher, défie-t'en; 
   les sujets de crainte réels, voilà, ceux qui te les fourniront.


Voici comment adapter ces conseils aux caractères féminins:
Avant de terminer, sache que les femmes ne ressentent pas toutes les mêmes sentiments, 
   bien au contraire; vous trouverez mille âmes diverses; pour les prendre, employez mille moyens. 
Dans les poitrines, il y a autant de caractères différents que de visages dans le monde. 
L'homme habile s'accommodera à ces innombrables variétés de caractères; 
La même méthode ne conviendra pas à tous les âges: 
   une vieille biche découvrira le piège de plus loin; 
   si tu te montres savant auprès d'une novice, trop entreprenant auprès d'une prude, 
   aussitôt elle se défiera et se tiendra sur ses gardes. 
C'est ainsi que, parfois, la femme qui a craint de se livrer à un homme honnête 
   se laisse honteusement tomber dans les bras de quelqu'un qui ne le vaut pas.
l'art d'aimer
Marco Polo ou le voyage imaginaire (interprétation d'un texte ancien) ©2003 Jean-Pierre Lapointe
Musique Bruce DeBoer, empruntée aux archives du Web.

Livre Deuxième

RETOUR À MARCO POLO Page d'Accueil du Site Principal OU LE VOYAGE IMAGINAIRE